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Au Burkina Faso, les déplacés sont les grands oubliés des élections de novembre



Le pays doit voter pour la présidentielle et les législatives le 22 novembre. Mais les personnes qui ont fui les violences djihadistes et intercommunautaires ne le pourront pas.

A Kaya, ils sont devenus invisibles, comme fondus dans le paysage. Un flot d’âmes errantes, d’enfants faisant tinter quelques pièces dans des boîtes de conserve au feu rouge, de mères qui marchent à pas lents, leur bébé sur le dos, l’air perdu. Difficile de croire que la ville où ils traînent était encore il y a moins de deux ans « la cité du cuir ».

Kaya est désormais le deuxième centre humanitaire du pays après Djibo. Fuyant les attaques des groupes djihadistes et les violences intercommunautaires, plus de 100 000 déplacés y ont trouvé refuge d’après les chiffres officiels, 400 000 selon la municipalité.

Depuis 2019, la région du Centre-Nord est devenue l’épicentre de la crise au Burkina Faso. Ici, les tentes blanches et les bicoques en bois ne cessent de se multiplier pour abriter les rescapés des attaques qui ont fait plus de 1 600 morts depuis 2015 et près d’un million de déplacés, soit un habitant sur vingt.

Alors que le pays s’apprête à voter le 22 novembre pour les élections présidentielle et législatives, ces mêmes rescapés seront une deuxième fois victimes. Faute de carte d’électeur ou à cause de l’insécurité dans leur localité, de nombreux déplacés risquent d’être exclus du scrutin.

Sans pièce d’identité ni carte d’électeur

Assis sur une pierre devant sa tente en bâche plastique, Assane Tamboura attend une aide. Ses réserves, quelques kilos de haricots et de riz donnés par une ONG, s’épuisent. « On fait un repas par jour pour économiser, l’eau manque aussi », s’inquiète ce père de famille, en langue moré, le visage fatigué. En février, il a dû fuir les terroristes qui avaient investi son village, près de Tongomayel (Sahel), à une centaine de kilomètres de là. Avec sa femme et ses dix enfants, il est parti sur une charrette tirée par un âne.

Assane Tamboura se désole d’avoir « tout perdu. Notre maison, nos champs, le bétail, nos affaires, tout est resté là-bas, on est partis comme ça », raconte cet ancien agent de santé de 56 ans, qui a échappé de peu aux balles des djihadistes. Comme beaucoup d’autres, sur ce terrain vague transformé en site pour déplacés, il n’a plus de papiers.

 

Sans pièce d’identité ni carte d’électeur, il ne pourra pas participer au scrutin le mois prochain, même s’il aurait bien « voulu voter pour que la paix revienne et que l’on puisse rentrer chez nous », précise-t-il. « Tant que tu es couché sur la natte d’autrui, c’est comme si tu étais couché à même le sol », s’attriste ce rescapé, en regardant sa fille de 9 ans assise sur un jerricane vide, désœuvrée.

Il y a quelques semaines, les inondations ont même emporté les derniers documents de la famille, les actes de naissance des enfants. Et le torrent d’eau a balayé le peu d’espoir qui lui restait. « Nos enfants ne peuvent pas aller à l’école. Or, sans avenir, la vie n’a pas de sens », murmure Assane Tamboura. Dans ce camp de fortune étalé sur la latérite rouge, le sentiment d’abandon et de marginalisation ne cesse de grandir.

« Je me sens mis à l’écart »

Dans un abri aux murs de béton bruts, Moumouni Sanba et sa famille tentent de survivre, depuis qu’ils ont fui à pied Arbinda, dans la région du Sahel, après une énième attaque en janvier. Alors voter ? Cet ancien orpailleur de 37 ans, qui n’a pu emporter que sa vieille carte d’identité périmée, ne peut s’empêcher de rire jaune.

E09A32B 653043136 Pour Moumouni Sanba Et Sa Famille Voter N Est Pas Sa Priorite Il Lui Faut D Abord Survivrepersonnes déplacées à Kaya, en octobre 2020. » data-src= »https://img.lemde.fr/2020/10/26/0/0/6000/4000/688/0/60/0/e09a32b_653043136-pour-moumouni-sanba-et-sa-famille-voter-n-est-pas-sa-priorite-il-lui-faut-d-abord-survivre.jpeg » data-was-processed= »true » />

« Tout le monde doit pouvoir participer aux élections. Je me sens mis à l’écart bien sûr mais, de toute façon, ça ne changera rien. Celui qui doit être élu le sera sans moi… », se résigne ce rescapé qui se demande surtout comment il va pouvoir inscrire ses enfants à l’école, sans acte de naissance, et payer le loyer et la nourriture des jours prochains.

 

A la Commission électorale communale indépendante, la CECI de Kaya, l’heure, malgré tout, est à l’effervescence. On prépare le scrutin. Mais cette année, Issouf Ouédraogo, le président, est amer. Derrière son bureau, il traite une pile de demandes de transferts de bureau de vote. Le seul recours pour les personnes déplacées qui ne peuvent pas rentrer voter dans leur circonscription d’origine est de s’inscrire sur le fichier électoral de leur commune d’accueil. Sauf que la plupart des dossiers qu’il reçoit finissent à la poubelle. « Sans pièce d’identité, impossible de réimprimer leur carte d’électeur et de changer leur bureau de vote », regrette Issouf Ouédraogo.

Voter, se déplacer, travailler, bénéficier de vivres… Sans papiers, la vie des déplacés est devenue quasi impossible. 30 % d’entre eux n’ont pas de pièce d’identité, 50 % dans la région du Sahel, selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les régions. Pour refaire leurs documents d’identité, les démarches sont longues et fastidieuses.

L’administration locale a déserté

Principal blocage : les déplacés doivent impérativement fournir leur acte de naissance et beaucoup l’ont perdu dans leur fuite. Prise pour cible, comme symbole de l’Etat, l’administration de leur localité d’origine a souvent déserté et ne peut plus leur fournir de duplicata. Certaines mairies ont même été brûlées par les djihadistes.

La menace des groupes terroristes, des représailles des milices et des exactions présumées de l’armée plane encore sur les villages. Le 4 octobre, 25 déplacés ont été tués par des individus armés près de Pissila, à 30 kilomètres de Kaya, alors qu’ils tentaient de rentrer chez eux. Assiégées, les communes de Dablo et Namissiguima, ainsi que plusieurs villages, n’ont pas pu bénéficier d’inscription sur les listes électorales dans la région.

« De nombreuses zones sont inaccessibles aux opérateurs de la Commission électorale communale indépendante [CENI], et pour ceux qui ont réussi à fuir, beaucoup ne pourront pas non plus voter. Il fallait rétablir la sécurité avant de parler d’élections, nous sommes en train de créer des citoyens de seconde zone ! », fustige le maire de Kaya, Boukaré Ouédraogo.

Dans Leurs Fuites, De Nombreuses Personnes Ont Perdu Leurs Papiers D’identité. Ici, Dans Le Camp De Déplacés À Kaya, En Octobre 2020.

A un peu moins d’un mois du scrutin, alors que l’état d’urgence a été promulgué dans 14 des 45 provinces du pays, certains observateurs s’inquiètent. Au total, 1 619 villages et secteurs (sur 9 299), dont 22 communes, n’ont pas été couverts par l’opération d’enrôlement sur les listes électorales, organisée du 3 janvier au 17 juillet, à cause de l’insécurité, selon la CENI.

Problème de légitimité pour des élus

Difficile d’estimer le nombre exact d’habitants restés dans ces localités, principalement situées au nord et dans l’est du pays, les autorités ayant souvent fui. D’après l’Institut national de la statistique et de la démographie, près de 400 000 personnes majeures résident dans ces 22 communes en 2020, auxquelles il faudra encore ajouter le nombre de déplacés qui ne pourront pas s’enregistrer dans leur commune d’accueil. Mais sans recensement officiel, difficile de faire les comptes.

Du côté de la classe politique, l’omerta règne. « Aucun dispositif particulier n’a été prévu pour les déplacés, ceux qui ont pu s’enregistrer ont simplement été pointés comme des changements de résidence », rapporte le président de la CENI, Ahmed Newton Barry. La question d’un report des élections a rapidement été écartée par les partis et les députés qui ont voté à la majorité la modification du code électoral le 25 août, actant qu’en cas de « force majeure ou de circonstances exceptionnelles », seuls les résultats des bureaux de vote ouverts seront pris en compte. « Ce n’est pas responsable de notre part de forcer pour que des gens soient tués pendant le vote. Nous sommes sûrs aujourd’hui que tous les bureaux de vote ne pourront pas s’ouvrir », a reconnu le ministre de l’administration territoriale, Siméon Sawadogo.

En maintenant ces élections, même imparfaites, les autorités veulent s’épargner une situation d’instabilité qui pourrait déboucher sur une crise politique« Des élections se préparent longtemps à l’avance et coûtent très cher à organiser. Confronté à d’autres urgences, sécuritaire, humanitaire et sanitaire, le gouvernement a dû choisir », analyse Raogo Antoine Sawadogo, directeur du groupe de réflexion Laboratoire citoyennetés et ancien ministre de l’administration et de la sécurité.

Mais l’exclusion d’une partie des électeurs menace de bouleverser l’échiquier politique local et de poser problème en termes de légitimité des élus. « On va se retrouver dans certaines provinces avec des députés élus par une poignée d’électeurs. Comment pourront-ils représenter le reste de la population ? », pointe M. Sawadogo. De quoi renforcer ce dangereux sentiment de marginalisation, le même qui est instrumentalisé par les groupes armés pour recruter. « Dans la rue, certains nous appellent “déplacés”. A l’école, les autres enfants appellent mon fils “déplacé”. Ça fait mal, on n’est pas chez nous ici… », se désole, impuissant, un rescapé.

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