Les apologistes du président Trump citent parfois en exemple les frappes aériennes par drones à l’appui d’arguments selon lesquels, en dépit de sa rhétorique musclée, les actions militaires de l’administration Trump à l’étranger sont plus modérées que celles de son prédécesseur. Les données disponibles n’appuient pas cette prétention.
Dans ma dernière chronique, le passage suivant m’a valu quelques commentaires sceptiques de la part de lecteurs qui semblent croire que je prends des libertés avec les faits, ce qui n’est pas dans mes habitudes.
«Les apologistes de Trump le présentent souvent comme un modéré en rappelant que son prédécesseur utilisait massivement des bombardements aériens par drones et qu’on n’entend plus parler de ces bombardements. En fait, il y a eu plus de bombardements par drones dans les deux premières années de l’administration Trump que pendant les huit ans d’Obama.»
Qu’en est-il? Qui est le champion des attaques de drones?
Il est vrai qu’on entend beaucoup moins parler des bombardements par drones menés par l’aviation américaine contre ses adversaires dans la «Guerre au terrorisme» et autres conflits affiliés depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump qu’on en entendait parler pendant les années Obama. Il y a trois bonnes raisons pour cela. D’abord, le cirque à cinq pistes que constitue la présidence Trump fait en sorte qu’il est facilement excusable qu’on perde un peu la trace de conflits lointains. Ensuite, comme les critiques des frappes aériennes menées par l’administration Obama venaient autant de l’opposition que de ses propres partisans, il était normal qu’on leur fasse beaucoup de place. D’autant plus que l’image d’un récipiendaire du prix Nobel de la paix qui exécutait sommairement les ennemis qui se trouvaient sur son «kill list» était un peu dissonante. Troisièmement, et c’est là la plus importante raison, l’administration Obama avait mis en place des règles strictes de transparence qui l’obligeaient à rapporter publiquement les statistiques d’utilisations de frappes aériennes par drones et surtout les estimations du nombre de victimes civiles collatérales de ces attaques. L’administration Trump a été beaucoup moins enthousiaste à appliquer ces règles de transparence et, en mars 2019, le président a signé un décret qui révoquait ces règles et qui rendait par conséquent beaucoup plus opaques les opérations militaires américaines à l’étranger.
Les statistiques peuvent être obtenues sur le site du Bureau of Investigative Journalism.
Au Yemen, on rapporte 162 frappes de janvier 2009 à janvier 2017, qui ont fait de 801 à 1100 tués, dont entre 133 et 170 civils. De janvier 2017 à janvier 2019, on compte 166 frappes (213-278 tués, dont 41-55 civils). Plus de frappes en deux ans qu’il n’y en avait eu pendant les huit années précédentes, mais elles ont fait moins de victimes.
En Somalie, 35 frappes de janvier 2009 à janvier 2017 ont fait entre 264 et 388 victimes, dont 3 à 12 civils. Depuis janvier 2019, 98 frappes ont fait 664-714 victimes (0-30 civils).
En Afghanistan, les statistiques commencent en 2015 et indiquent 1306 frappes de janvier 2015 à janvier 2017 (2370 à 3035 tués; dont 124 à 182 civils). De janvier 2017 à janvier 2019, on compte 4577 frappes, (1564 à 2440 tués, dont 33 à 259 civils).
Bien sûr, d’autres mesures pourraient venir modifier cette comparaison, en incluant par exemple les bombardements en Syrie et en Irak, où il y a eu une résurgence marquée des frappes aériennes en 2017, suivie d’une relative accalmie en 2018 (voir les données ici).
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