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La France recule sur les indemnisations des victimes des essais nucléaires



Dans une loi pourtant consacrée à « la crise sanitaire et aux conséquences de l’épidémie », le Parlement a sanctuarisé et rendu rétroactifs des critères restrictifs dans le calcul des indemnisations des victimes des essais nucléaires en Polynésie française.

 

«Qu’est-ce que le peuple polynésien a fait à l’État pour qu’il nous déteste à ce point ? » Dans une vidéo qui a fait grand bruit en Océanie, le député (Tavini Huiraatira, indépendantiste) Moetai Brotherson s’étrangle d’indignation.

L’élu est ulcéré par une disposition qui a bien failli passer inaperçue dans le « projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire ». Nous sommes le 14 mai 2020 et le député, confiné en Polynésie française depuis de nombreuses semaines, raconte. « En ce moment même, l’Assemblée nationale est en train d’examiner un cavalier législatif – c’est-à-dire un petit bout de texte inséré dans une loi qui n’a rien à voir – pour mettre en place un retour du “risque négligeable”. J’étais à Paris de février à mars et l’examen de cette disposition n’était pas à l’ordre du jour. Ils attendent qu’aucun parlementaire polynésien ne soit là pour faire passer cette mesure dans une loi consacrée au Covid-19. Désormais, le critère du millisievert s’appliquera à tous les dossiers sans exception. On se fout de nous ! »

Risque négligeable, millisievert, amendement Tetuanui, décisions du Conseil d’État : dans la vidéo, le vocabulaire du député Brotherson peut paraître obscur aux non-familiers de ce dossier. En Polynésie, où l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est un sujet politique et sanitaire majeur, sa prise de parole a été un électrochoc.

Dans son édition du 29 mai, le magazine Tahiti Pacifique titrait « Le mépris de l’État explose au grand jour ». Vétérans des essais et associations de victimes parmi le peuple polynésien ont protesté à leur tour et publié des communiqués de presse afin d’alerter les parlementaires siégeant à Paris sur le danger que représentait l’adoption de cette mesure gouvernementale.

Rien n’y a fait. Le 3 juin, après plusieurs rebondissements et une commission mixte paritaire (CMP) mouvementée, le Parlement a définitivement adopté aussi bien le « projet loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire » que la réforme du calcul des indemnisations des victimes des essais nucléaires qu’il contient.

En Polynésie, Le « Coup De Force Au Parlement » Du Gouvernement Français A Été Vécu Comme Une Violence Par Les Victimes Des Essais Nucléaires. © TpmEn Polynésie, le « coup de force au Parlement » du gouvernement français a été vécu comme une violence par les victimes des essais nucléaires. © TPM

Cet article de loi, que de nombreux élus au Sénat comme à l’Assemblée nationale ont décrit comme un cavalier législatif « inséré dans une loi fourre-tout, une loi gloubi-boulga », présente la réforme comme une « clarification » et une meilleure « interprétation » des règles d’indemnisation.

Du côté du cabinet du premier ministre, à Paris, sollicité par Mediapart, la méthode ne pose pas davantage de problèmes que le fond : « Il ne s’agit pas d’un cavalier : le projet de loi prévoyait bien une habilitation pour que le gouvernement puisse intervenir dans ce domaine, écrivent les services de Matignon. L’urgence est caractérisée car les décisions du Conseil d’État conduisent à ce que les personnes demandant une indemnisation ne sont pas traitées de la même manière selon que leur demande a été déposée devant le Comité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires (Civen) avant comme après le 29 décembre 2018. »

Dans sa réponse, l’administration du gouvernement français fait référence à une décision du Conseil d’État qui tranchait en faveur des Polynésiens ayant un ou plusieurs cancers qu’ils estiment dus aux essais ou bien réclamant une indemnisation pour un proche décédé pour les mêmes raisons.

La juridiction administrative suprême estimait que la disposition – que les connaisseurs du dossier appellent « l’amendement Tetuanui », du nom de son auteure Lana Tetuanui, la sénatrice de Polynésie française – « élargit la possibilité, pour l’administration, de combattre la présomption de causalité dont bénéficient les personnes qui demandent une indemnisation du fait des essais nucléaires français lorsque les conditions de celle-ci sont réunies ». En clair, selon les juges du Conseil d’État, « l’amendement Tetuanui » contraignait les victimes et les malades à faire la preuve que leur maladie ou la perte d’un proche était bien due aux essais, ce qui est contraire à la loi Égalité réelle (Erom).

Les « clarifications » et la « nouvelle interprétation » de la loi adoptée récemment sont donc en réalité déjà bien connues des Polynésiens ayant monté un dossier d’indemnisation. Il s’agit tout simplement du retour de cet « amendement Tetuanui ». Et de son corollaire, l’adoption d’un critère en particulier par le Civen, lorsqu’il juge si un dossier d’indemnisation doit être accepté ou pas : le millisievert d’exposition aux rayonnements ionisants.

Ce millisievert d’exposition, contesté très vigoureusement comme critère d’évaluation par les associations de victimes et plusieurs experts de la question, faisait partie des critères qui permettaient d’établir un « risque négligeable » que la maladie radio-induite soit due aux essais nucléaires français.

Autre grave problème de la réintroduction du critère du millisievert d’exposition dans la loi : le Civen utilise cet argument pour repousser toutes les demandes d’indemnisation postérieures aux essais nucléaires aériens, c’est-à-dire toutes les demandes déposées par des citoyens nés après 1974.

« C’est la manière de procéder du Civen qui pose problème, pas la loi, temporise Patrice Bouveret, membre de l’Observatoire des armes, une ONG antinucléaire. C’est le Civen qui considère que seuls les essais aériens posent problème alors qu’il est évident que les retombées des essais sous-marins et souterrains ont eu des conséquences désastreuses sur la santé des Polynésiens. »

Telle qu’elle est formulée dans la loi, contrairement à ce que posait le Conseil d’État, la rétroactivité de « l’amendement Tetuanui » est maximale. Il est indiqué dans l’exposé des motifs que cette disposition s’appliquera aux « requêtes pendantes à ce sujet devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, quelle que soit la date à laquelle les demandes d’indemnisation ont été déposées ».

Dans la réponse qu’il nous a transmise par écrit, le gouvernement français justifie l’utilisation du millisievert comme critère d’indemnisation par le fait que selon lui, « ce seuil n’est pas arbitraire : c’est la dose reconnue par l’article R. 113-11 du code de la santé publique comme admissible pour tout public au titre des “activités nucléaires”, qui résulte d’une recommandation du Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants. »

Il n’en demeure pas moins qu’inscrire ce seuil et ce critère d’indemnisation dans la loi revient à faire peser la charge de la preuve sur les demandeurs, les malades et les ayants droit des personnes décédées de maladies potentiellement radio-induites. Dans un texte de fin avril 2018, rédigé par Édouard Fritch alors qu’il était en campagne électorale pour sa réélection à la présidence de Polynésie française, le président du T’apura Huiraatira s’indignait de l’existence du « risque négligeable ». Il demandait le « déblocage massif et rapide des dossiers ».

Jusqu’ici, une centaine de dossiers seulement ont été acceptés par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Plus d’un millier ont été déposés. La rétroactivité du critère du millisievert devrait aboutir à un grand nombre de rejets de dossier dans les prochaines semaines et les prochains mois. De quoi faire dire aux esprits chagrins et à certains observateurs politiques que c’est bien là que se trouvait l’urgence à faire passer une disposition sur ce sujet dans une loi sur l’épidémie de Covid-19 en France.

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