Suite au décès soudain d’Idriss Déby, en avril 2021, le Conseil militaire de transition a nommé son gouvernement pour assurer l’exercice de l’État. Dirigé par Mahamat Idriss Déby, fils de l’ex-Président, le nouvel exécutif inclut plusieurs membres de l’opposition, signe d’une volonté de réconciliation nationale.
Le 20 avril dernier, l’annonce de la mort au combat d’Idriss Déby, Président du Tchad depuis 1990, a pris de court la communauté internationale comme la société tchadienne dans son ensemble. Au lendemain de la confirmation officielle de sa réélection à un sixième mandat, le dirigeant de 68 ans n’est pas revenu d’une campagne militaire menée contre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), qui menaçaient de gagner la capitale N’Djamena. Blessé par balle, Idriss Déby s’est éteint armes à la main, fidèle à sa réputation de chef de guerre qui n’hésitait pas à se mêler à ses soldats sur le terrain. Après une décennie hors des champs de bataille, il avait repris du service au printemps 2020 lors de l’opération Colère de Bohama, menée avec succès contre l’insurrection du groupe islamiste Boko Haram au Lac Tchad.
Depuis son intervention au Mali aux côtés, notamment, de l’armée française, le Président tchadien était considéré comme un véritable rempart contre l’avancée des djihadistes dans la région du Sahel. En France, l’Élysée a ainsi déploré la perte « d’un ami courageux », dans un communiqué datant du jour-même de l’annonce de sa disparition. Dirigeant le pays d’une main de fer depuis 30 ans, Idriss Déby était néanmoins apprécié par l’allié français et les Etats voisins pour son rôle de stabilisateur dans une région gangrenée par la menace islamiste. Dans les années 2000 et 2010, il a également réussi à faire bloc contre les groupes rebelles tchadiens issus de différents groupes ethniques, ainsi que face aux velléités des armées libyenne et soudanaise. « Personne n’a[vait] la solidité de Déby pour maintenir un équilibre entre régions, entre communautés », rend-on hommage à Paris. « Il était le seul à pouvoir tenir l’architecture fragile des multiples factions qui constituent l’armée tchadienne, avec toutes ses rivalités ».
Des opposants dans le nouveau gouvernement de transition
Pour combler le vide laissé par son décès, le Conseil militaire de transition (CMT) a nommé, le jour-même de la disparition d’Idriss Déby, Mahamat Idriss Déby, un des fils du président défunt, à sa tête, puis, le 26 avril, Albert Pahimi Padacké au poste de premier ministre, qu’il avait déjà occupé jusqu’en 2018. Après avoir lancé de « larges consultations » pour mettre rapidement sur pied « un gouvernement de réconciliation nationale », ce dernier a dévoilé, le 2 mai, les noms des 40 membres du nouveau gouvernement de transition. Si plusieurs anciens ministres déjà en responsabilité ont été maintenus au pouvoir, le nouvel exécutif accueille également plusieurs figures de l’opposition. Symbole de son ouverture à des voix discordantes, le gouvernement a ainsi nommé Acheikh Ibn Oumar, ancien chef rebelle, au ministère de la Réconciliation nationale et du Dialogue.
Il a également choisi Mahamat Ahmat Alhabo, opposant historique d’Idriss Déby, comme ministre de la Justice, et Lydie Beassemda, première femme candidate à une élection présidentielle – et donc opposée à Idriss Déby – en avril dernier, à l’Enseignement supérieur et la Recherche. Deux autres membres de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), parti d’opposition, ont de plus été nommés ministre de l’Élevage et des Productions animales (Abderahim Awat Atteib) et secrétaire générale adjointe du gouvernement (Rachel Oualmi Baïrra). Conformément à la Charte nationale de transition, le gouvernement de transition a promis l’organisation d’« élections libres et démocratiques » dans un délai de 18 mois. Si plusieurs partis politiques ont dénoncé un « coup d’État constitutionnel », Saleh Kebzabo, principale figure de l’opposition tchadienne et président de l’UNDR, a pour sa part reconnu l’ « autorité » du nouvel exécutif.
« Mahamat Idriss Déby a fait ses preuves de soldat au Mali »
Signe d’un apaisement encore fragile mais réel, l’annonce de la composition du gouvernement de transition a coïncidé avec la levée du couvre-feu en place depuis le 20 avril à N’Djamena. Car en cette période de transition si cruciale pour le Tchad, où la moindre faille pourrait être exploitée par les nombreux groupes rebelles qui lorgnent sur le pouvoir, l’installation d’un exécutif dans la continuité du précédent gouvernement a le mérite d’apporter certaines garanties en matière de stabilité nationale et régionale.
Le nouveau chef des armées est reconnu pour ses qualités de meneur d’hommes, selon Le Monde. « Il a fait ses preuves de soldat au Mali en 2013, et, depuis, son père l’avait nommé à la tête de la direction générale des services de sécurité des institutions de l’État, qui est la structure la mieux équipée et la mieux organisée de l’armée », explique une source interne au pouvoir. Charge à lui, désormais, d’entamer la nécessaire réconciliation du pays, tout en consolidant les avancées durement acquises ces dernières années.
Par notre partenaire AfriqueMidi