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L’IMMENSE MAJORITÉ DES FEMMES ONT DÉJÀ EU DES RAPPORTS SEXUELS AVEC LEUR CONJOINT SANS EN AVOIR ENVIE



Dans « Pas envie ce soir », Jean-Claude Kaufmann décortique les mécaniques qui poussent les femmes à se résigner à des rapports sexuels qu’elles ne désirent pas avec leur conjoint.

Même avec son conjoint, faire l’amour n’a rien d’évident. Et de nombreuses femmes abandonnent leur corps à leur partenaire sans avoir vraiment envie d’un rapport sexuel. Dans Pas envie ce soir,* qui sort ce mercredi en librairie, le sociologue Jean-Claude Kaufmann, directeur de recherche au CNRS, lève le voile sur ces zones grises de l’intimité des couples, qui tournent parfois au rouge quand l’homme nie sciemment le refus de sa conjointe pour assouvir son désir coûte que coûte.

Un ouvrage passionnant, perlé d’une centaine de témoignages de femmes et d’hommes, qui invite chacun à s’interroger sur ses pratiques et à libérer une parole parfois trop longtemps étouffée.

Pourquoi certaines femmes cèdent-elles au désir de leur conjoint, en s’oubliant ?

L’immense majorité des femmes ont déjà eu des rapports sexuels avec leur conjoint sans en avoir envie. Elles vont se forcer pour lui faire plaisir, pour ne fragiliser leur couple et par peur que leur homme aille ailleurs. Ce qui serait particulièrement insupportable pour elles, car le couple, qui leur offre protection, est la chose la plus précieuse dans leur vie.

Vous insistez sur la notion de décalage des désirs au fil des années et vous affirmez que les hommes ont un désir sexuel plus constant que les femmes. Pour quelles raisons ?

Dans les premières rencontres, le désir féminin n’est pas inférieur à celui des hommes. Mais une fois en couple, leur désir se délite souvent après quelques années de vie commune. Pour une majorité d’entre elles, cette baisse du désir n’est pas liée à un désamour progressif, car elles aiment leur partenaire et disent former une bonne équipe avec lui. Mais elles subissent une surcharge mentale, car elles sont au centre de toute l’organisation familiale. Ce qui ne les met pas en disponibilité pour la sexualité. L’acte sexuel est alors perçu comme une corvée.

Vous dites que le déficit de désir chez la femme s’explique aussi par la transformation du prince charmant en « gentil crapaud » avachi dans son canapé…

Le couple a une fonction de confort et de réconfort aujourd’hui. Il y a une logique de laisser-aller régressif dont on a besoin, dans la société actuelle, pour reprendre son souffle. Et les hommes en ont généralement davantage besoin que les femmes. Si le partenaire est uniquement dans le confort personnel, il va être moins objet de désir et va contrarier le rêve romantique de sa conjointe. Pendant le confinement, c’était particulièrement manifeste : on s’est moins habillé, moins lavé et on a moins fait l’amour.

Selon les témoignages que vous avez recueillis, le non-consentement des femmes est souvent implicite et passe par des gestes ou des allusions… Pourquoi les hommes ne le perçoivent-ils pas ?

Les femmes pensent que leur message de non-consentement est fort et clair. Alors qu’il faudrait qu’il soit plus explicite pour que les hommes comprennent leur non-désir. L’absence d’envie des femmes passe par des signaux corporels, comme une forme de passivité pendant l’acte sexuel. Mais l’homme ne va pas l’interpréter comme un signe de refus et va se dire que les rapports démarrent toujours un peu comme ça.

Parfois, la femme déclare qu’elle est un peu fatiguée, va se retourner sur le côté, mais pour son conjoint, ce n’est pas ressenti comme un message de non-consentement. Et pourtant, une majorité d’hommes sont respectueux des femmes. Ils ne comprennent pas qu’ils les forcent et tombent des nues quand ils s’en rendent compte.

Comment expliquer un tel tabou ?

Je n’ai jamais constaté un tel poids du silence dans les relations de couple que sur cette question du consentement. Tout fonctionne sur le non dit, le refoulement, le quiproquo. Le couple a l’illusion d’une communication facile alors qu’elle ne passe pas. Pour sortir de cet écueil, il faudrait discuter de ce qui se passe dans le lit en dehors des moments d’interactions sexuelles, pour clarifier la communication et être à l’écoute de la manière dont proviennent le désir et le plaisir chez chacun.

Vous distinguez les prédateurs, qui commettent des viols conjugaux, des hommes qui naviguent plutôt dans une zone grise. Pouvez-vous préciser leurs différences ?

En France, 31 % des viols sont des viols conjugaux, et ce chiffre est très sous-estimé car ces actes restent le plus souvent impunis. Là, on ne parle plus de zone grise, mais de situation où la femme a exprimé clairement son refus et que l’homme ne le respecte pas volontairement pour lui faire du mal exprès. Ce sont des drames absolus. Il faut à tout prix libérer la parole des victimes et faire en sorte que leurs plaintes soient plus écoutées et recevables par la police et la justice.

Plusieurs femmes qui se sont confiées à vous décrivent qu’elles sont réveillées dans leur sommeil par leur conjoint qui les caresse ou tente de les pénétrer. Et qu’ils pensent que leur femme aime être surprise comme ça. Comment expliquez-vous de tels comportements ?

Beaucoup de témoignages signalent des « attaques nocturnes » par des hommes qui ont une poussée de désir. Les femmes vivent très mal d’être réveillée de cette manière et se sentent dépossédées de leur propre corps. La plupart des hommes qui font ça trouvent que cette pratique est particulièrement sensuelle et ne comprennent pas le malaise de leur conjointe.

Pourquoi la notion de devoir conjugal, héritée de longue date, est-elle encore si prégnante dans notre société ?

Au XIXe siècle, les femmes devaient accepter la sexualité pour la procréation. On était marié pour le meilleur et pour le pire. Il fallait accepter les rapports sexuels, même si c’était pénible. L’Histoire laisse toujours des traces qui sont lentes à disparaître.

Aujourd’hui, le devoir conjugal n’est pas imposé de l’extérieur, c’est une obligation que l’on s’impose de soi-même. Car les femmes se disent qu’elles doivent ressentir un désir éclatant comme celui qu’elles imaginent chez les autres femmes. Et elles refoulent ce non-consentement.

Comment expliquez que beaucoup d’entre elles culpabilisent et se croient frigides ?

Les femmes pensent qu’elles devraient avoir davantage de désir et que ce n’est pas très normal. D’où un malaise intérieur qui va se transformer en culpabilité. Or, pour celles qui finissent par tromper leur mari, elles se rendent compte que si elles avaient moins de désir avec leur conjoint, ce n’est pas leur corps qui dysfonctionnait, mais le contexte conjugal. Car leur sexualité explose à nouveau.

Les femmes qui subissent les assauts de leur conjoint expriment leur impression d’être prises pour un objet. Certaines pleurent pendant l’acte. Quelles séquelles psychologiques entraînent ces rapports non consentis ?

Plus le refoulement et la culpabilisation sont forts, plus la souffrance va l’être. La femme va entrer dans une logique de résignation qui va finir par détruire sa capacité de rebond, son énergie vitale et l’estime qu’elle voit d’elle-même.

Mais selon vous, depuis l’affaire Weinstein, davantage de femmes osent manifester leur non-consentement…

Oui, car avec cette affaire, la question du non-consentement a été posée de manière très forte. Pour les jeunes femmes c’est devenu une évidence, elles veulent rentrer dans l’expérience conjugale avec l’objectif que leur consentement soit expliqué et compris. De leur côté, la majorité des hommes ont été perméables au message de #MeToo. Mais ils ne font pas le lien avec leur propre couple.

Comment éduquer les enfants à cette problématique du consentement ?

C’est important pour les adolescents qui construisent leur identité. D’autant que les jeunes hommes sont déboussolés par #MeToo et ont peur de faire des impairs avec les femmes. Les parents, l’école et certaines associations peuvent les sensibiliser à cette question du non-consentement.

Se dirige-t-on vers une société ou l’homme et la femme se demanderont verbalement s’ils peuvent toucher le corps de l’autre ?

Non, ce ne sera pas aussi caricatural. Mais il faut sortir de la boîte noire du silence sur cette question du non-consentement dans le couple. Chaque femme doit s’interroger : « Est-ce que je me force un peu, beaucoup ? Est-ce que je ne suis pas en train de rater un pan de ma vie en subissant des rapports que je ne veux pas vraiment ? ». Il y a des marges de progression gigantesques dans l’explication des couples sur le sujet. Et ces moments de discussion vont permettre aux hommes de comprendre les signes du non-consentement et mettre en place de nouveaux rituels pour capter l’intention de leur conjointe. S’ils font une caresse qui reste sans retour, c’est qu’il n’y a pas de désir et l’homme doit retirer sa main.

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