Maroc : pourquoi le projet de loi sur les réseaux sociaux a fait pschitt
Jugé « liberticide» et « taillé sur mesure au profit de certains lobbys économiques », le projet de loi sur l’utilisation des réseaux sociaux a provoqué une véritable levée de boucliers au Maroc. Surnommé « loi du masque-muselière », il est d’ores et déjà suspendu.
Ironie du sort, c’est via un média social que la fuite est organisée. Mustpaha El Fekkak, aka Swinga, un influent youtubeur poste le 27 avril un tweet qui va embraser les réseaux sociaux. Des extraits du projet de loi 20-20 réglementant l’utilisation des réseaux sociaux y sont dévoilés. Extraits qui sont bien loin de l’esprit dépeint par le gouvernement pour ce texte qui était censé « combler le vide juridique en matière de dissuasion de tous les actes commis par le biais des réseaux sociaux et similaires, tels que la diffusion de fausses informations. »
Un Code pénal des réseaux sociaux ?
Selon le professeur en sciences politiques Omar Cherkaoui, 22 des 25 articles constituant ce projet de loi 20-20 sont composés de sanctions administratives, peines d’emprisonnement et amendes financières. « Nous ne sommes pas devant une loi pour réglementer les réseaux sociaux mais plutôt devant un code pénal des réseaux sociaux », écrit le politologue sur sa page Facebook, estimant que ce projet est « un véritable massacre des droits humains ». Une position partagées par de nombreuses organisations et associations ainsi que des partis politiques de la majorité comme de l’opposition. Et pour cause.
Cachotteries gouvernementales
Le président du RNI a dû même convoquer une réunion du bureau politique du parti de la Colombe pour se dédouaner relativement du projet. La formation de la majorité a alors dit regretter la tournure prise par ce débat basé sur « des fuites amputées et des contre fuites, comme seules sources d’information, alors que le texte final fait encore l’objet d’examens et d’amendements par un comité ministériel. » Le RNI a appelé par ailleurs le Chef du gouvernement à publier le texte approuvé afin que « le parti puisse exprimer sa position officielle. » Sauf que le Chef du gouvernement a préféré une autre option.
La demande de report de ce texte a été formulée par le ministre de la Justice, Mohammed Benabdelkader. Le seul rescapé des ministres de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) – au remaniement de novembre dernier – avait au préalable essayé d’éteindre l’incendie en affirmant que la version du projet 20-20 en circulation était désuète, mais sans pour autant rendre publique une version plus aboutie. Aujourd’hui désavoué par le secrétaire général de son propre parti qui a déclaré, « ne pas avoir été mis au courant du contenu de ce texte », il est pointé du doigt comme le principal responsable de cette mascarade, sachant que c’est à lui que revenait la responsabilité de défendre ce texte. Certains interprètent même l’action de Benabdelkader comme un renvoi d’ascenseur de l’USFP à son indéfectible allié le RNI à qu’il doit une présence au gouvernement. La fuite du projet de loi aurait même été orchestrée par une branche du PJD pour révéler au grand jour ces accointances entre les deux formations politiques qui ont lié leur sort au lendemain des législatives 2016 pour s’imposer au gouvernement après plusieurs mois de blocage. Mais si cette affaire semble profiter au parti islamiste, elle ne dédouane pas pour autant Saâdeddine El Othmani d’avoir approuvé un tel projet liberticide qui n’avait de toutes façons aucune chance d’être approuvé.
Crédit: Jeune Afrique