«Citizens», dans l’Europe d’extrême droite
Le Grand Prix Isem (Images singulières-ETPA-Mediapart) pour la photographie documentaire a été attribué cette année à Christian Lutz pour sa série Citizens (lire aussi ici). Depuis plusieurs années, Christian Lutz sillonne la Hongrie, le Royaume-Uni, la France, la Pologne, l’Autriche, l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne, l’Italie… « sur des lieux (des villes) dont les municipalités sont entre les mains de partis populistes de droite glissant pour certains vers le fascisme ». La dimension sociale et politique du projet, son actualité en raison du Brexit, de la crise des migrants, et des réactions face à la pandémie de Covid-19 ; la richesse des points de vue mêlant détails et foules, portraits et paysages, c’est tout cela qui a convaincu le jury à l’unanimité. Avec le prix doté de 8 000 euros, Christian Lutz prévoit de parcourir la Grèce, la Serbie et la Slovaquie. Christian Lutz n’est jamais bavard dans ses légendes : juste un lieu, une date. « J’avance par touches suggestives, par métaphore. »
-
Clacton-on-Sea, Royaume-Uni, décembre 2014.
-
© Christian Lutz / MAPS
Hayange, France, juillet 2014.
-
© Christian Lutz / MAPS
Rochester, Royaume-Uni, janvier 2015.
-
© Christian Lutz / MAPS
Prairie du Grütli, Uri, Suisse, novembre 2016.
-
© Christian Lutz / MAPS
Varsovie, Pologne, novembre 2019.
-
© Christian Lutz / MAPS
Dresden, Allemagne, décembre 2015.
-
© Christian Lutz / MAPS
Nidwald, Suisse, septembre 2016.
-
© Christian Lutz / MAPS
Budapest, Hongrie, février 2015.
-
© Christian Lutz / MAPS
Hayange, France, août 2014.
-
© Christian Lutz / MAPS
Varsovie, Pologne, novembre 2019.
-
© Christian Lutz / MAPS
Hayange, France, août 2014.
-
© Christian Lutz / MAPS
Varsovie, Pologne, novembre 2017.
-
© Christian Lutz / MAPS
Genève, Suisse, novembre 2013.
-
© Christian Lutz / MAPS
Varsovie, Pologne, novembre 2019.
-
© Christian Lutz / MAPS
Nidwald, Suisse, décembre 2019.
***
Voici le texte que Christian Lutz a envoyé au jury du prix Isem pour accompagner son travail :
« Je vis dans un pays (la Suisse) où l’extrême droite représente le premier parti politique du gouvernement. La puissance des partis de la droite populiste touche toute l’Europe : UKIP au Royaume-Uni, FPÖ en Autriche, AfD en Allemagne, Rassemblement national en France, Vox en Espagne ou encore l’UDC en Suisse…
Je traverse des territoires européens sur les traces de ces partis du « bon sens » qui promettent une vie meilleure.
J’avance par touches suggestives, par métaphore.
Le populisme est une fée maléfique, elle charme avec des paroles annonciatrices d’un bonheur futur. Elle arrive à nous faire oublier que ses filets sont toxiques, qu’ils produisent la ségrégation, l’exclusion, le désespoir. Ses arguments nous renvoient à nos frontières physiques et symboliques ; ils préparent le terrain de la guerre sociale, des phobies, des asphyxies de la pensée et du lien humain. Ils manipulent nos esprits et nos instincts.
Les partis qui diffusent cette idéologie sont des oiseaux familiers, qui soudain attaquent. Ils s’inscrivent dans le paysage ; ils se logent dans les friches industrielles, dans les villes calmes et bourgeoises, dans le regard des individus. Ils sont là, dans chaque inattention de nos valeurs morales, dans chaque brèche que la peur entaille.
À terme, cette histoire sera le conte d’une Europe en prise avec elle-même et la redéfinition de ses valeurs. »Christian Lutz
mars 2020