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Justice pour George Floyd, pour Adama Traoré, pour tous

Justice Pour George Floyd Pour Adama Traoré Pour Tous

Des milliers de personnes, dont une majorité de jeunes, ont bravé l’interdiction de manifester afin de rendre hommage, mardi à Paris, à tous les George Floyd et les Adama Traoré victimes de la police.

  1. 2 juin 2020, Paris. Il est bientôt 19 heures et, devant le parvis du tribunal de Paris, Assa Traoré s’apprête à prendre la parole devant des dizaines de milliers de personnes (20 000 selon la préfecture, 80 000 selon les organisateurs), dont une majorité écrasante de jeunes. Une foule compacte, débordant massivement les rues alentours et les rails du tramway, est venue crier sa tristesse et sa colère après avoir vu la vidéo qui a fait le tour du monde, celle où George Floyd, un homme noir américain âgé de 46 ans, meurt lentement après son arrestation par trois policiers.

    L’un d’entre eux, l’officier Derek Chauvin, exerce une pression prolongée du genou sur son cou. George Floyd suffoque et le dit, le répète, puis au bout de quelques minutes, plus rien. Il est inanimé. Les pompiers arrivent sur le lieu d’interpellation, George Floyd fait un arrêt cardiaque dans l’ambulance et sera déclaré mort à 21 h 25 le 25 mai, à Minneapolis (Minnesota). Les images sont choquantes mais ici, tout le monde les a vues.

    Au micro, Assa Traoré rappelle que ce qui se passe aux États-Unis a lieu aussi en France. Son frère est mort le 19 juillet 2016. Alors qu’elle raconte, pour la énième fois depuis quatre ans, cette journée tragique, la foule scande : « La police tue. » Assa Traoré précise que, comme George Floyd, si son frère est mort, c’est parce que trois officiers, cette fois-ci de gendarmerie, l’ont maintenu plaqué au sol. « Mon frère a porté plus de 250 kilos sur lui », précise-t-elle.

    Les milliers de jeunes répondent à ce récit, précis et puissant, par un slogan simple : « Justice pour Adama ». Comme pour George Floyd, c’est le plaquage ventral qui a entraîné l’asphyxie du jeune homme de 24 ans, en tout cas c’est ce que dit, ce jour même, une nouvelle contre-expertise, indépendante, réalisée à la demande des parties civiles et longuement applaudie par les manifestants.

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    2 juin 2020, Paris. « Black lives matter ». Ou son abréviation « BLM ». « La vie des Noirs compte » (Littéralement, les vies noires comptent ). « Celles de tous les George Floyd, de tous les Adama Traoré », dit une pancarte. Sur les banderoles, les masques, les tee-shirts, les lèvres, le hashtag est partout, passé des réseaux sociaux à la rue en 2012 après l’acquittement du meurtrier de Trayvon Martin, un adolescent afro-américain tué d’une balle dans le ventre en Floride –le début d’une série de meurtres racistes dans l’Amérique d’Obama.

    Depuis 2015, BLM est un mouvement qui reprend le flambeau de la lutte pour l’égalité raciale, se revendique des Black Panthers, de Malcolm X, de Martin Luther King tout en renouvelant le champ militant. Et c’est aujourd’hui l’un des slogans phares de la défense des droits civiques aux États-Unis et au-delà, un cri de ralliement contre les violences policières, le racisme qui tue, avec « I can’t breathe », « Je ne peux plus respirer. »

  3. Camelia 0

    2 juin 2020, Paris. C’est grâce à une chanson que Camélia Jordana et Assa Traoré se sont rencontrées. Après les prises de parole des familles meurtries par les violences policières, la chanteuse, le poing levé et a cappella, s’élance et chante « Freddie Gray », un morceau en hommage au jeune Afro-Américain mort en 2015 des suites de violences policières dans le Maryland.

    « Toute la journée, nous allons pécher et pleurer

    Nous allons encore marcher en ville

    L’âme de Freddie Gray demeure

    Des gens courent dans le Maryland »

    Et cette fois-ci, devant la foule qui s’est tue, la chanteuse modifie quelque peu ses paroles. Au nom de Freddie Gray, elle ajoute ceux de George Floyd, d’Adama Traoré, « and all the other ones » (et tous les autres). Et dans ses mots, les gens ne courent plus dans le Maryland, mais à Paris.

    Lors de ce rassemblement, personne ne lui reprochera sa récente prise de parole dans l’émission « On n’est pas couché » où elle affirmait que comme « des milliers de personnes », elle ne se sentait « pas en sécurité face à un flic ». Ici, ils sont nombreux à confier que eux aussi, parce qu’ils sont noirs ou arabes, ne se sentent pas en sécurité face à la police.

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    2 juin 2020, Paris. La mort de George Floyd réveille les consciences à travers le monde. Les gens sont de plus en plus nombreux à poser un genou à terre, l’un des gestes symboliques de la lutte contre les violences policières et le racisme aux États-Unis. On a vu à travers l’Amérique des sportifs, des démocrates comme Joe Biden, candidat à la présidentielle, ou le maire de Los Angeles, et plus inédit, des policiers blancs, exécuter ce geste qui ne date pas d’aujourd’hui.

    Il a été popularisé il y a quatre ans par le quarterback américain Colin Kaepernick, qui a plié son genou en plein hymne national pour protester contre les violences policières dans son pays, ce qui lui a coûté sa carrière, mais a fait de lui une icône du mouvement Black Lives Matter.

    Le comité Adama et sa charismatique cheffe de file Assa Traoré avaient en tête une photographie précise pour l’Histoire, une photographie qui ferait date et le tour de la planète : « Mardi 2 juin 2020, à Paris, devant un haut lieu de la justice, des dizaines de milliers de personnes ont mis un genou à terre et levé le poing en hommage à George Floyd, Adama Traoré et toutes les victimes de violences policières. » 

    Mais la photographie n’a pu avoir lieu. La foule était beaucoup trop dense et immense sur ce parvis encore en chantier pour reproduire ensemble ce signe de solidarité honni par Donald Trump. À voir l’émotion qui perlait dans les yeux des organisateurs, ce n’était pas grave… « Un mouvement est en train de se lever », s’enflamme Assa Traoré, escortée comme une star par des agents de sécurité.

  5. Babacar

    2 juin 2020, Paris. Babacar Gueye aurait eu 32 ans à la fin de l’année. Il est mort il y a cinq ans, dans la nuit du 2 au 3 décembre 2015 à Maurepas, un quartier pauvre de Rennes. Il est mort menotté, au terme d’une longue agonie. Sénégalais sans papiers, il avait été victime d’une crise d’angoisse et s’était mutilé avec un couteau de table. Son ami a appelé les pompiers. Ce ne sont pas des ambulanciers mais huit policiers dont quatre de la brigade anti-criminalité (BAC) qui ont débarqué. L’un d’entre eux a tiré et atteint cinq fois Babacar…

    Depuis, sa famille se bat, sa sœur, sa mère… réclament « Justice et vérité pour Babacar ». Comme pour Adama et tous les autres, Amine, Zakaria, Ali, Adama, Angelo, Henry, Zyed, Bouna, Gaye, Morad, Zineb, Steve, Aboubacar, Selom, Matisse, Baptiste, Aboulaye, Wissam… Sa famille se bat contre le récit de la police qui fait de leur fils, leur frère, un forcené qui aurait agressé les forces de l’ordre, un bourreau et non plus une victime. Contre l’impunité des violences policières.

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    2 juin 2020, Paris. « J’ai quitté les États-Unis parce que j’avais plus de respect pour le gouvernement français. Plus maintenant ! », affirme, sur cette pancarte, un Américain qui prend part au rassemblement parisien. Les parallèles entre la situation française et américaine sont nombreux.

    Alexandre, Damien et Jacques-Henri en discutent non loin de l’entrée du tribunal flambant neuf de Paris. L’un est consultant, l’autre commercial, le troisième comptable. Ils sont jeunes et noirs. Et il semblerait, dans leurs mots, que ce qui les définit le plus aux yeux des institutions reste leur couleur de peau.

    Pourquoi a t-il fallu attendre que les États-Unis s’embrasent pour que la France se réveille ? « À l’heure des réseaux sociaux, l’ultra-violence de la vidéo de George Floyd a eu un grand impact », explique Jacques-Henri.

    « On prend conscience que ces violences policières, en fait, elles arrivent partout », poursuit Alexandre qui précise enfin : « Le problème, ce n’est pas la police, c’est le système. La police n’est que l’incarnation d’un système totalitaire. »  Il hésite quelques instants sur ce dernier mot, puis confirme : « Oui, totalitaire. » 

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    2 juin 2020, Paris. « Aujourd’hui, ce n’est plus uniquement le combat de la famille Traoré, c’est votre combat à vous tous. » Tout devant, à peine à quelques mètres de la sœur d’Adama Traoré, Wissal et Soumaya écoutent attentivement. La première a 19 ans et étudie l’animation, la seconde 20 ans et étudie l’architecture. Elles se décrivent comme « racisées », puis précisent « maghrébines » et pour toutes les deux, c’est la première manifestation de leur vie. « On en a marre », lâchent-elles en chœur. Marre du racisme, des violences policières, du sort réservés aux quartiers populaires.

    C’est en scrollant sur ses réseaux sociaux que Wissal est tombée sur la vidéo où l’on voit des policier tuer George Floyd. Elle se souvient d’avoir pleuré. « Mais si on est là, ajoute t-elle, c’est aussi pour montrer qu’on peut se mobiliser ailleurs que sur les réseaux sociaux. Derrière les comptes Twitter, il y a de vraies personnes et cette mobilisation, qui s’est d’abord faite sur les réseaux sociaux, en est la preuve », ajoute Wissal avant de crier, avec les autres : « C’est nous la France. » 

    Dans le rassemblement, la moyenne d’âge ne dépasse pas 25 ans et tous disent avoir eu les informations relatives au rassemblement par le biais des réseaux sociaux. C’est donc en toute logique qu’ici aussi, chacun filme, poste des photos, commente, live-tweete ou fait profiter à ses amis sur Snapchat de quelques moments de joie, de slogans, de colère. Puis face à la police, présente en nombre aux alentours de la porte de Clichy, les téléphones se lèvent automatiquement et commencent à filmer, par précaution.

  8. Justice

    2 juin 2020, Paris. « On marche pour rendre justice à la vérité », lance Fatiha. La trentaine, un foulard rose noué en turban, elle joue des coudes pour se frayer un passage dans la foule tandis qu’une jeune fille tague sur un Abribus le mot qui revient en boucle dans la bouche des manifestants : « Justice ».

    Fatiha milite depuis de longues années contre les brutalités policières. Elle a rejoint la lutte « de manière assez simple » : « J’ai des enfants, des frères et c’est en ayant peur pour eux que je me suis intéressée à ce déni français. » Elle a vu les artistes et les influenceuses, « mêmes les plus improbables », se mobiliser sur les réseaux sociaux et se succéder en sueur devant le parvis du tribunal de Paris.

    Elle craint « un phénomène de mode », questionne leur sincérité : « D’habitude, on est trois ou quatre pèlerins dans nos rassemblements. J’ai l’impression que c’est la nouvelle mode de se mobiliser pour les violences policières. Il a tout de même fallu qu’un homme noir meurt dans un autre bled de l’autre côté de l’océan pour qu’ici on se bouge. »

    À quelques mètres de là, le chanteur Abd al Malik prend la parole à la tribune : « Nous sommes tous légitimes dans ce pays. Ce qui se joue ici, c’est l’avenir de notre pays, l’avenir de la France. Se battre pour ces familles, c’est se battre pour nous, pour la dignité, la nôtre, mais aussi celle de notre pays. Nous sommes l’âme de ce pays. » 

  9. Cant Breath

    2 juin 2020, Paris. De nombreuses jeunes femmes étaient présentes au rassemblement. Elles sont parfois très jeunes et entendent ne plus se faire marcher dessus. Il est bientôt 21 heures quand un groupe se fait remarquer par la vivacité avec laquelle elles crient, d’une voix aiguë : « Justice pour Adama ».

    Diara a 19 ans, elle vit à Épinay-sur-Seine et elle est venue avec ses copines et ses cousines, « la famille quoi » résume-t-elle dans un sourire. Elle le perd vite quand elle parle des violences policières auxquelles elle dit être confrontée quasi quotidiennement. « Dans les cités, ils tuent nos frères sans raison et sans pitié »  affirme t-elle, tout sec. Derrière, ses cousines acquiescent.

    Quand on leur demande à quelle fréquence elles assistent à des scènes de violences policières, elles répondent en chœur : « Tout le temps. » Depuis quand ? « Toujours. »  Et les dernières fois ne sont jamais très loin. Pour Tiguide, dans le Val-d’Oise, la dernière fois c’était hier.

    Un contrôle de police qui dérape dans son quartier, un jeune Noir qui se fait taper par la police et puis, invariablement, le cours de la vie qui reprend. Il y a bien eu cette fois, aussi, où son grand frère est revenu de garde à vue, le visage pleins d’hématomes. C’était il y a quelques mois et elle en parle sans haine. Comme si plus rien ne pouvait encore étonner ces jeunes femmes.

    Elles lancent un regard inquiet vers le tribunal, d’où monte un épais de nuage de gaz lacrymogène, et d’où s’échappent quelques cris étouffés et des vagues de jeunes en pleurs. Puis, avec une facilité déconcertante, elles reprennent de plus belle leurs slogans.

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    2 juin 2020, Paris. Dans la manifestation, les jeunes hommes noirs et arabes qui viennent des quartiers populaires, ceux qu’on désigne avec facilité comme « les jeunes de cité », sont nombreux. Beaucoup d’entre eux ont déjà vécu la violence de la police. Alors qu’en arrière-plan, des jeunes courent dans tous les sens pour échapper aux gaz lacrymogènes et aux nasses, Alexandre tranche calmement : « On n’est pas traités comme les Blancs. »

    Pour manifester, l’horloger de 30 ans est venu avec une pancarte où l’on peut lire : « L’humain n’a pas de couleur. » Dans sa bouche, les récits de violences policières se succèdent et, en bout de course, « il n’y a jamais aucune conséquence pour eux parce que l’IGPN c’est des flics qui protègent des flics ».  

    Grégoire, lui, affirme ne pas être venu pour condamner qui que ce soit. « C’est la justice qui condamne, nous tout ce qu’on peut faire c’est revendiquer », ajoute le commercial de 27 ans. Lui aussi a connu les contrôles abusifs. « Au moins deux fois par mois », assure-t-il. « Parfois plus », le corrige son ami qui précise avoir un jour été contrôlé parce que la personne recherchée par la police avait la même doudoune que lui.

    Il y a un an, un policier a giflé Grégoire qui tient à dire que son casier est vierge et qu’il paye ses impôts. C’est l’histoire d’un énième contrôle, de l’agacement du jeune homme et rapidement des insultes racistes. « On a le droit à négro, nègre, ferme ta gueule, c’est habituel ça. »

    Après les insultes, les policiers lui demandent de se retourner, ils le fouillent et veulent lui toucher les parties génitales. « Là, j’ai dis non, c’est interdit ! Puis il m’a donné une grande gifle. » Dans son souvenir, plus douloureux encore que la souffrance physique, l’humiliation, encore une.

    Discret sous sa capuche blanche et bien protégé par son masque chirurgical, Bambara marche seul. Originaire de Guadeloupe, le jeune père de famille est arrivé dans le sud de la France il y a quatre ans. Actuellement à Paris pour une formation, il se souvient de la brutalité répétée avec laquelle l’ont traité des policiers de Nice : « Je faisais un bac pro paysagiste. Je sortais des cours et on me contrôlait, très souvent. Quand je leur disais que j’en avais marre, ils me conseillaient de rentrer chez moi si je n’étais pas content. J’ai déjà été en sang, frappé, massacré ! J’ai des vidéos ! J’ai porté plainte, trois fois mais ça ne donne jamais rien. Ils sont racistes ouvertement et on doit l’accepter. De toute façon, la seule manière que l’on a de se défendre, face à leur violence, ce sont nos vidéos. D’ailleurs c’est pour ça qu’ils veulent nous interdire de filmer la police », conclut-il, en référence à une proposition de loi que le député Éric Ciotti (LR) a déposée à l’Assemblée le 26 mai. Ce texte demande que les forces de l’ordre soient « non identifiables dans l’espace médiatique, y compris sur les réseaux sociaux » afin d’éviter ce que le député appelle le « policier bashing ». Une proposition qui a suscité un tollé.

    Le rassemblement touche à sa fin, la nuit est complètement tombée et quelques manifestants, les yeux encore rouges du gaz abondamment déversé, arpentent les rues aux alentours du tribunal. C’est le cas de Cédric, 29 ans, salarié dans une mairie de banlieue. Lui fait la différence entre les « vrais policiers » et les gardiens de la paix, « ceux qui connaissent rien et qu’on envoie dans les cités pour taper ».

    Il prône une meilleure formation et assure que c’est le seul moyen pour retrouver un peu de sérénité dans les quartiers populaires entre la police et les habitants. « Parce que pour l’instant, pour être protégé, dit-il, soit t’es blanc, soit t’as un statut important. » Les violences policières, il les connaît depuis qu’il a 14 ans, dans son groupe d’amis c’est à qui mieux-mieux : « 12 ans »« certains, c’est même à 11 ans », disent-ils.

    Des histoires de violences et d’arrestations, Cédric en a plein la mémoire. Mais c’est une histoire de barbecue qu’il choisit de raconter. Ils étaient six, ils avaient 17 ans et ils avaient organisé un barbecue sauvage dans les Yvelines. La police arrive, lacrymo dans les merguez. Le ton monte. « Ils nous ont tapés, nous ont amenés en cellule et nous ont gazés dans la cellule », se souvient Cédric.

    Les policiers n’ont jamais été sanctionnés, rapporte le trentenaire, un tee-shirt contre les violences policières sur le dos. Un de ses amis tranche : « Depuis combien de temps la police nous frappe ? Depuis combien de temps on le dit ? C’est fini la discussion, maintenant c’est la guerre. »

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    2 juin 2020, Paris. Parmi les manifestants, des visages connus. Panayotis Pascot, Fary, Aïssa Maïga, Adèle Haenel, Leïla Bekhti, Adèle Exarchopolous et … Jérôme Rodrigues. Depuis le début du mouvement en novembre 2018, le gilet jaune a subi de nombreuses violences policières et quand, plus tard dans la soirée, Assa Traoré est montée sur un Abribus pour un second discours, il était à ses côtés.

    « Cette manifestation, c’est une manière de mettre en avant l’ensemble des exactions policières », affirme t-il, entouré de quelques autres gilets jaunes. Lui, ceux qu’ils blâment, ce sont les dirigeants : « Ils ont des ordres. On a un État qui se sert des policiers comme chair à canon », précise-t-il. À la grande violence des coups, il tient à ajouter celle de la justice quand elle n’est pas efficace.

    À ces violences, encore, s’ajoute la douleur et d’abord, celle des familles. Celle d’Assa Traoré, de sa mère ou de ses frères qui vivent au rythme du feuilleton judiciaire depuis quatre ans. Comme celle de la fille de Jerôme Rodrigues qui a vu son père « se faire descendre en direct » selon ses propres mots, en référence au 26 janvier, jour de manifestation où son œil droit a été touché par un tir de LBD.

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    2 juin 2020, Paris. Les symboles importent aussi. Les jeunes crient, chantent, courent, s’aspergent les yeux d’un peu de sérum physiologique puis repartent de nouveau, scandent « Tout le monde déteste la police » et lèvent le poing. Devant la police, ils s’agenouillent et observent plusieurs minutes de silence.

    Les pancartes se multiplient et les slogans aussi, toujours plus incisifs. De nombreux jeunes arborent le tee-shirt du collectif Vérité pour Adama. Un jeune homme noir, torse nu, la tête recouvert un tee-shirt blanc noué autour du crâne, danse fièrement, un drapeau français à la main face aux policiers. Eux, contrairement aux États-Unis, ne plieront pas genou. Les symboles, ça compte aussi pour Ronald, ambulancier de Melun qui résume ainsi la journée : « C’est un grand jour. C’est un combat de la jeunesse, pour les générations futures. »

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    2 juin 2020, Paris. « J’espère que cette manifestation permettra au moins aux personnes privilégiées, les Blancs, de se rendre compte de combien nous sommes maltraités. » Daniela a bientôt 30 ans et elle est aide-soignante en Île-de-France. Malgré les allées et venues de jeunes apeurés par les avancées de la police, elle reste stoïque, les lunettes sur le nez, la pancarte bien droite sur laquelle on peut lire : « La vie des Noirs compte. »

    Le racisme, elle le vit quotidiennement en France, les remarques déplacées, les mains dans les cheveux, le dénigrement, elle connaît ça par cœur. Pourtant, si elle porte aujourd’hui un espoir, c’est dans la conscientisation de tous, y compris de ceux épargnés par les discriminations.

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    2 juin 2020, Paris. « De Minneapolis à Beaumont, faisons en sorte que les racistes redécouvrent la peur », signent les antifas de Paris. Leurs homologues outre-Atlantique sont toujours la bête noire de Donald Trump, qui a une nouvelle fois manifesté sa détestation de la mouvance antifa, qu’il veut classer parmi les « organisations terroristes ». Ce qui va être compliqué, car la loi fédérale n’autorise sur la liste que les groupes étrangers.

    L’objectif pour Trump, c’est de faire du bruit, de détourner l’opinion et de tenter de défaire les solidarités nouvelles qui se mettent en place dans les rues entre afro-américains, militants de gauche et d’extrême gauche en criminalisant un peu plus son ennemi et celui de ses amis fascistes, suprémacistes : les antifascistes, catalogués « groupes violents » et qui ont pour particularité une diversité protéiforme.

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    2 juin 2020, Paris. Quelles suites donner à ce rassemblement ? La question est dans de nombreux esprits. Pour les plus révolutionnaires, la prochaine fois, ce sera le feu. « Pour réveiller la France, il faut faire des dégâts. Je suis contre, mais c’est comme ça », résume Bambara. En tout cas, pour le jeune homme une chose est sûre : « Maintenant, on va parler. »

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