Affaire Guillaume Soro : la Cîte d’Ivoire se retire du protocole de la Cour africaine des droits de l’homme

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Au lendemain de la condamnation de Guillaume Soro, la CĂŽte d’Ivoire a annoncĂ© mercredi 29 avril qu’elle se retirait de « la dĂ©claration de compĂ©tence prĂ©vue au protocole relatif Ă  la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ».

Le gouvernement ivoirien, qui ne souhaitait pas exĂ©cuter l’arrĂȘt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) demandant la suspension des poursuites contre l’opposant Guillaume Soro vient d’opter pour un retrait pur et simple du protocole. Cette disposition permet aux citoyens et aux organisations de la sociĂ©tĂ© civile du pays signataire, en cas de violation de leurs droits, de saisir directement cette juridiction qui siĂšge Ă  Arusha, en Tanzanie.

« Le gouvernement ivoirien a dĂ©cidĂ©, le mardi 28 avril 2020, de retirer la dĂ©claration de compĂ©tence prĂ©vue au protocole relatif Ă  la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », annonce un communiquĂ© signĂ© par Sidi TiĂ©moko TourĂ©, porte-parole du gouvernement. « Cette dĂ©cision est prise sans prĂ©judice de l’engagement du gouvernement Ă  demeurer partie Ă  la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », ajoute le mĂȘme communiquĂ©.

Cette annonce survient au lendemain de la condamnation de l’ancien prĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale et candidat Ă  la prĂ©sidentielle, Guillaume Soro, Ă  20 ans de prison. Une procĂ©dure fragilisĂ©e rĂ©cemment par  la CADHP. Dans un arrĂȘt publiĂ© le 22 avril, celle-ci avait en effet ordonnĂ© Ă  l’État ivoirien de « surseoir Ă  l’exĂ©cution du mandat d’arrĂȘt Ă©mis contre Guillaume Kigbafori Soro ».

Atteinte Ă  la souverainetĂ© de l’État

La dĂ©cision du gouvernement ivoirien fait suite « aux graves et intolĂ©rables agissements que la CADHP s’est autorisĂ©e et qui, non seulement portent atteinte Ă  la souverainetĂ© de l’État mais sont Ă©galement de nature Ă  entraĂźner une grave perturbation de l’ordre juridique interne des États », dĂ©nonce le communiquĂ© de Sidi TiĂ©moko TourĂ©.

Ce dernier a reçu le renfort de deux membres du gouvernement : Ally Coulibaly, le ministre de l’IntĂ©gration africaine et des Ivoiriens de l’extĂ©rieur, ministre par intĂ©rim des Affaires Ă©trangĂšres, et AimĂ©e Zebeyoux, la secrĂ©taire d’État aux Droits de l’homme.

Ton offensif

La CADHP a pris « une dĂ©cision politique dans la mesure oĂč elle confĂšre une certaine immunitĂ© pĂ©nale Ă  quelqu’un qui veut ĂȘtre candidat Ă  la prochaine Ă©lection prĂ©sidentielle, c’est inacceptable ! » a expliquĂ©, sur un ton offensif, Ally Coulibaly depuis la salle des pas perdus de la prĂ©sidence ivoirienne. Et d’ajouter : « Nos juridictions ne peuvent pas se retrouver affaiblies Ă  cause de la reconnaissance du protocole de compĂ©tence. Nous ne pouvons pas accepter que les bases de l’État de droit soient sapĂ©es. »

“Cette dĂ©cision marque un recul pour les droits humains en CĂŽte d’Ivoire. Ce retrait privera les particuliers et les ONG ivoiriens d’un recours judiciaire prĂ©cieux lorsque leurs droits sont bafouĂ©s et qu’ils n’ont pas rĂ©ussi Ă  obtenir justice devant les tribunaux de leur propre pays, a rĂ©agi Alice Banens, conseillĂšre juridique pour l’Afrique Ă  Amnesty International. Ce retrait est Ă©galement une Ă©niĂšme attaque de front au systĂšme rĂ©gional de protection des droits humains. Il intervient dans un contexte prĂ©Ă©lectoral oĂč le gouvernement ivoirien a multipliĂ© les attaques contre des opposants politiques et des voix dissidentes. »

Ce retrait ne serait effectif que dans un an. Mais si, d’ici lĂ , la CADHP venait Ă  prendre de nouvelles dĂ©cisions les concernant, les autoritĂ©s ivoiriennes ne s’estimeraient pas tenues de les exĂ©cuter.

L’annonce du gouvernement n’était pas une surprise. Le prĂ©sident Alassane Ouattara, en avait mĂ»ri l’idĂ©e, en dĂ©but de semaine, aprĂšs des concertations avec des proches et certains ministres. La CĂŽte d’Ivoire n’est pas le premier pays Ă  se retirer du protocole de la CADHP : le 17 avril, le BĂ©nin en avait fait de mĂȘme. Et avant lui le Rwanda.