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Maroc : la diplomatie des masques, nouvel atout du royaume

France, Allemagne, Suisse, Sénégal, Roumanie… Les masques produits par le Maroc pour se protéger du coronavirus seront bientôt exportés partout dans le monde. Une prouesse industrielle, doublée d’un sérieux atout diplomatique pour le royaume de Mohammed VI.

Avec une production qui dépasse 10 millions d’unités par jour, le royaume a des masques à revendre. Le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, vient d’ailleurs d’autoriser les exportations. Il en a fait l’annonce officielle, lundi 11 mai, devant le Parlement.

Mais avant d’ouvrir les frontières du royaume à ce produit devenu vital, Rabat a pris soin de se constituer un stock stratégique : 50 millions de masques non tissés, sortis des chaînes de production de 23 usines.

Micagricol, appartenant à la famille Lazrak, a été parmi les premières usines à adapter son outil industriel pour se lancer dans la production de ces masques. « Avec l’appui et l’accompagnement du département de l’Industrie, nous avons pu investir dans de nouvelles machines et renforcer notre effectif d’une centaine de nouveaux collaborateurs », nous explique un dirigeant de l’entreprise.

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Dans cette unité de Sidi Maarouf, des équipements flambants neufs permettant la fabrication de masques (avec ou sans élastiques) sont en cours d’installation, ce qui devrait permettre d’augmenter la capacité de production quotidienne pour atteindre quelque 3 millions unités. « Cela nous a coûté entre 45 000 et 75 000 dollars par machine et nous avons dû les acheminer par voie aérienne pour faire vite », nous confie le dirigeant.

Une très forte demande européenne

Mais si cette entreprise, et tant d’autres, sont prêtes à investir, c’est qu’elles sont optimistes sur les débouchés du masque made in Morocco. « La demande est estimée en centaines de millions d’unités », affirme une source au ministère de l’Industrie.

Les opérateurs locaux ont déjà été consultés par des clients potentiels dans de nombreux pays européens comme la France, l’Espagne, l’Italie, la Suisse et l’Allemagne. Le royaume clignote même dans les radars de pays avec lesquels il entretenait jusque-là peu d’échanges commerciaux. « Nous avons été approchés par un client en Roumanie », confirme le dirigeant de Micagricol, qui devrait également fournir des pays d’Afrique subsaharienne, comme le Sénégal ou le Bénin.

LA FRANCE VIENT D’HOMOLOGUER LES PRODUITS DE DEUX OPÉRATEURS MAROCAINS, CE QUI PRÉSAGE DES COMMANDES DE LA PART DE L’ARMÉE FRANÇAISE NOTAMMENT

Mais avant d’en arriver là, les masques « made in Morocco » doivent être homologués dans chacun des marchés destinataires. La France, via son institution militaire, vient d’ailleurs d’homologuer les produits de deux opérateurs marocains, ce qui présage des commandes de la part de l’Armée française ou d’autres institutions de l’Hexagone. « Le ministère cherche à admettre la norme marocaine Imanor, qui nous sert de référence auprès de certains pays, afin d’accélérer les procédures d’homologation », nous explique un opérateur du secteur.

Les premières expéditions marocaines de masques non tissés ne devraient ainsi pas tarder. Concernant les masques en tissu tissé, des premières opérations d’exportation ont déjà eu lieu, notamment à destination de la France et de l’Espagne. « Il s’agit de petites quantités expédiées par des entreprises qui avaient de la matière première en admission temporaire, qui ont été autorisées à exporter les masques, à condition de consacrer 50 % de leur production au marché marocain », précise notre source au ministère.

Car pour ce type de masques lavables et réutilisables, le royaume n’a pas encore atteint son stock de sécurité, estimé à 20 millions d’unités. « Nous en produisons plus de 2 millions par jour, a expliqué Moulay Hafid Elalamy devant le Parlement. Nous ne pouvons pas encore exporter ce produit, car nous en avons encore besoin localement. Dès que nous arriverons à assurer un stock de sécurité, nous opterons à ce moment-là pour l’exportation ».

Agilité industrielle

Sur ce segment aussi, le Maroc a largement les moyens d’augmenter rapidement sa production. « En utilisant 20 % seulement des capacités du secteur textile, nous pouvons atteindre 10 millions de masques tissés par jour », affirme Karim Tazi, président de la commission environnement des affaires de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).

LE MAROC A RÉUSSI À SE PLACER COMME UN ACTEUR CENTRAL DE LA LUTTE ANTI-COVID 19 SUR L’ÉCHIQUIER MONDIAL

Pour cet ancien président de l’Association des textiliens, cette reconversion est une bouée de sauvetage pour une partie des opérateurs. « Cette nouvelle activité va permettre de compenser l’impact de la baisse attendue des commandes adressées aux unités marocaines et d’atténuer relativement l’impact sur les emplois du secteur », poursuit-il.

Le créateur de la marque marocaine Marwa reste confiant quant à l’essor de cette nouvelle activité et aux capacités de l’industrie nationale de rivaliser avec le Vietnam, la Turquie et même la Chine dans ce nouveau marché mondial des masques.

Un atout diplomatique

En réadaptant son industrie de manière rapide, le Maroc en a surpris plus d’un. Car il a réussi un double coup : assurer son autonomie en masques et se positionner comme un acteur central de la lutte anti-Covid 19 sur l’échiquier mondial, alors que le manque de ces moyens de protection fait polémique dans plusieurs pays. En Europe, le royaume est désormais cité comme un modèle dans la gestion de la crise.

 

Alors que le Maroc était déjà considéré sur le plan international comme un partenaire sérieux, son futur statut de grand producteur mondial de masques pourrait être un véritable atout diplomatique. La diplomatie chérifienne saura certainement en faire bon usage en temps voulu. Pour l’heure, elle avance masquée…

Crédit: Jeune Afrique

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