Ce mot est emblématique du programme de Donald Trump: le protectionnisme. Si la plus grande incertitude demeure sur la façon dont il le mettra en œuvre, la charge symbolique semble trop forte pour qu’il ne donne aucune suite à ses déclarations. Les plus spectaculaires sont aussi les plus improbables.

La menace de droits de douane de 45% sur les importations chinoises et de 35% sur les mexicaines, par exemple, est irréaliste étant donné le coût prohibitif pour les entreprises américaines: une étude chiffre à près de 5 millions les pertes d’emplois potentielles dans les trois ans suivant le déclenchement d’une telle guerre commerciale. D’autres actions semblent plus probables, comme la remise en cause des accords de libre-échange, notamment l’abandon du projet de Partenariat transpacifique.

Le recours intensifié aux sanctions antidumping en est une autre, même si l’activité récente débridée des Etats-Unis en la matière place la barre très haut pour marquer une différence. Au-delà, une définition très large de la défense commerciale contre des pratiques jugées déloyales pourrait servir de prétexte à une utilisation plus ou moins ciblée de droits de douane supplémentaires. Manipuler la fiscalité des entreprises pour la rendre favorable aux exportations et défavorable aux importations est également évoqué.

Stratégie incohérente

Enfin, même si c’est infondé, Donald Trump pourrait affubler la Chine du qualificatif de manipulateur de son taux de change, mais les conséquences pratiques seraient très limitées. La politique protectionniste proposée poursuivrait le double objectif de s’opposer à la Chine et de réduire le déficit commercial américain, pour réindustrialiser le pays.

Sur ces deux points, la stratégie suivie est profondément incohérente. L’abandon du Partenariat transpacifique est un cadeau historique pour la Chine : ce projet constituait le socle de la politique de pivot amorcée par Obama pour éviter que la régionalisation en Asie ne se structure autour de la Chine.

C’est exactement ce qui est en train de se passer, et Pékin poursuit activement la négociation de son accord régional, le Partenariat économique intégral régional (RCEP), qui s’appuie sur le principe d’une réduction des droits de douane au sein de la zone, sans guère d’autres engagements contraignants. Quant au lourd déficit courant américain, il est d’abord lié au statut de monnaie de réserve internationale du dollar. Il est nécessaire pour satisfaire l’immense demande de réserves en dollars, qui est la police d’assurance des pays émergents face au risque d’inversion des flux de capitaux.

Au-delà des instruments, c’est bien la cohérence des objectifs qui fait défaut à la démarche de Donald Trump. Peu de résultats positifs sont à en attendre, mais beaucoup de tensions sont à craindre.

Avec Challenges.fr