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Tunisie : les amitiés turques et qataries de Rached Ghannouchi embarrassent la majorité



Le report de deux projets de loi, fin avril, révèle les fragilités de la coalition gouvernementale menée par Ennahdha. Les relations de son leader, Rached Ghannouchi, avec la mouvance islamiste étrangère rebutent ses alliés au pouvoir.

Les deux projets de loi auraient dû, a priori, être votés le 29 et 30 avril sans polémique par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Des accords bilatéraux d’investissement et des conventions autorisant des structures étrangères à s’installer en Tunisie, l’ARP en a ratifiés des dizaines. C’était sans compter sur l’identité des partenaires – l’État turc dans le premier cas, le Qatar Fund for Development (agence de développement qatari, QFD) dans le second –, la faiblesse de la coalition gouvernementale, et la véhémence de l’opposition.

Comme à l’accoutumée, c’est Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (opposition, PDL) regroupant nombre de nostalgiques de l’ancien régime, qui a tiré la première. À boulets rouges : « Selon nos études, ces textes portent gravement atteinte à la souveraineté nationale. Ils permettraient aux investisseurs turcs et à la QFD de transférer des fonds sans restriction. Par ailleurs, ces deux pays sont alliés en Libye : avec ces accords et le soutien d’Ennahdha, ils pourraient faire de notre pays une base logistique pour soutenir les Frères musulmans de là-bas. »

« Arguments irrationnels »

Indépendance, transparence financière – alors que la Tunisie vient tout juste de sortir de la liste noire des pays de l’Union européenne sur le blanchiment d’argent -, Libye et Frères musulmans : la « plaidoirie » de l’avocate coche tous les sujets sensibles. Rached Ghannouchi, président de l’ARP et chef historique du parti musulman-conservateur Ennahdha, avait, en plus, poussé pour que ces projets de loi passent rapidement à l’ordre du jour, au point de passer outre les délais légaux. Devant le risque de polémique, le gouvernement demandait ainsi, le 28 avril, le report des examens de ces deux textes. Quitte à retarder l’apport d’investissements directs étrangers – turcs en l’occurrence – alors que ces derniers ont chuté d’un quart au premier trimestre et la manne promise, depuis 2016 et le Sommet Tunisia 2020, de 1,5 milliard de dollars par le pays du Golfe.

« Nous ne nous attendions pas à une telle virulence sur des textes essentiellement techniques. Surtout que les arguments de nos adversaires sont irrationnels et nuisent à l’économie nationale qui traverse une grave crise », déplore le député nahdhaoui, Naoufel Jammali.

Le Premier ministre Elyes Fakhfakh a-t-il eu peur que les discussions en plénière n’aboutissent à un éclatement de sa majorité avec, d’un côté, Ennahdha (musulman-conservateur), qui est le premier parti à l’assemblée avec 52 députés sur 217, et, de l’autre, Taya Tounes (libéral), Mouvement du peuple (nationaliste arabe) et Courant démocrate (social-démocrate), soucieux de ne pas être taxé de pro-islamistes ?

NOUS NE SOMMES PAS CONTRE LE QATAR OU LA TURQUIE, MAIS NOUS VOULONS VOTER EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE

« Le PDL n’a aucune chance d’affaiblir cette coalition », affirme Larbi Jelassi, membre du bureau politique du Courant démocrate, sans nier que le report des votes n’a pas été pour déplaire à son parti : « Ennahdha pense que tout ce qui vient du Qatar est bon. Nous ne sommes pas contre le Qatar ou la Turquie, mais nous voulons voter en toute connaissance de cause, ce qui n’aurait pas été le cas avec la date initialement prévue. » Son homologue du Mouvement du peuple, Khaled Krichi a, lui, accusé, début mai, Rached Ghannouchi de jouer un jeu trouble en ayant « un pied au Parlement et un autre au gouvernement ».

Soft power

Au sein de la majorité, peu apprécient, en effet, la « diplomatie parallèle » de Ghannouchi. La rencontre de ce dernier avec Erdogan en Turquie, en janvier, est très mal passée. Mabrouk Korchid, élu de Tahya Tounes, avait dénoncé une « violation des normes diplomatiques ». Ce même député s’oppose aujourd’hui à l’accord bilatéral avec la Turquie, qui donnerait à Ankara des privilèges « disproportionnés ».

Une position qui exaspère l’avocat Aslan Berjeb, spécialiste du droit des investissements et conseiller juridique de l’ancien Premier ministre Youssef Chahed, fondateur de Tahya Tounes : « Ces textes n’ont rien d’aberrants. Pour la Turquie, il s’agit d’une actualisation d’un accord qui remonte à 1991. Si le texte permet de larges avantages aux Turcs, c’est parce que depuis la loi sur l’investissement de 2016, les investisseurs étrangers ont les mêmes droits que leurs homologues tunisiens. »

Et l’avocat de reprendre : « Concernant l’implantation de la QFD, je rappelle que l’agence allemande [GIZ], américaine [USAID] ou encore la Banque africaine de développement [BAD] bénéficient des mêmes droits en matière d’exonération fiscale ou de ré-exportations. Et il existe des organes de contrôle comme la Banque centrale pour éviter les éventuels abus ». Le même concède qu’il s’agit pour les deux pays d’exercer leur « soft power » : « Le Qatar veut “s’offrir” le seul pays démocratique de la région, comme il s’est offert le club de foot de la capitale française. »

Positions contradictoires

Or, c’est sur cette ambiance anti-Frères musulmans, qui sont soutenus par la Turquie et le Qatar, que joue sciemment Abir Moussi. La légalité des textes est secondaire : « La GIZ a aussi des avantages, mais sa position géographique n’est pas la même. Tout le monde sait que ces deux pays veulent être présents en Libye et qu’ils veulent utiliser notre territoire. » Forte des divisions affichées par la coalition parlementaire, elle a déposé, le 4 mai, une demande pour auditionner en plénière Rached Ghannouchi sur « mouvements mystérieux et contraires aux lois et aux traditions diplomatiques et parlementaires ».

L’objectif était d’approfondir encore davantage le clivage au sein de la majorité pour « faire venir à nous les forces patriotes », selon Abir Moussi. Une stratégie renforcée par le soutien affiché aux projets de loi, bien qu’il soit dans l’opposition, du parti islamiste al-Karama, véritable repoussoir pour les autres partis, y compris Ennahdha. Mais son coup a échoué. Le bureau de l’ARP a décidé, le 7 mai, de rejeter la requête considérée « sans base juridique ». L’avocate a promis cependant de porter plainte contre le président de l’Assemblée.

« Je doute qu’Ennahdha se laisse isoler. Même si ses bonnes relations avec les dirigeants qataris et turcs sont importants, le parti ne va pas risquer sa position centrale au Parlement et au gouvernement, quitte à lâcher du lest sur ces projets de loi. Ennahdha a déjà eu des prises de positions contradictoires par le passé », analyse Maryam ben Salem, maître-assistante en science politique à l’Université de Sousse et spécialiste du mouvement islamiste. Mais cet épisode a montré que ses partenaires n’étaient pas prêts à toutes les concessions : « Nous ne sommes pas dans un effritement de la majorité. En tout cas pas aujourd’hui », lâche, au détour de la conversation, Larbi Jelassi.

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