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Togo : « la France a toujours joué un rôle dans le maintien de la dictature », selon Farida Bemba Nabourema (ENTRETIEN EXCLUSIF, 1ère partie)



Farida Bemba Nabourema. Photo/Ouestafnews

Ouestafnews – Au Togo, la crise politique persiste. Manifestations de rue,  grèves, boycotts et journées villes mortes depuis des années n’arrivent pas à faire plier le régime des Gnassingbé, vieux de 51 ans. Au pouvoir depuis 2005 suite à la disparition de son père le Général Etienne Gnassingbé Eyadéma, le président Faure Gnassingbé, bien que contesté par son opposition, est jusque là, parvenu à contenir toutes les tentatives des opposants qui réclament des réformes, et pour certains, son départ. C’est dans ce contexte politique tendu que le pays a organisé le 20 décembre dernier des élections législatives, boycottées par une grande majorité de l’opposition. Dans cette première partie de l’interview exclusive accordée à Ouestaf News, l’activiste togolaise Farida Bemba Nabourema, revient sur l’issue de ce scrutin remporté par la coalition au pouvoir et nous livre et livre une analyse sans fard sur la longévité de ce qu’elle appelle la plus « vieille dictature » du continent africain. Entretien.

Ouestafnews – Quel regard portez-vous sur les dernières élections législatives au Togo ?

Farida Bemba Nabourema – Je dirai qu’on n’a pas eu d’élection au Togo. On a eu une mascarade électorale. Quand vous parlez d’élections remportées, par le parti présidentiel cela sous-entend que c’est une élection qui a été organisé dans les normes et qui a été inclusive. Malheureusement, ce n’est pas le cas au Togo. Les élections ont été une mascarade organisée par le gouvernement.

Les principaux partis de l’opposition togolaise ont tous boycotté ces élections, le régime finançait des individus qui ont créé des partis (dont) eux seuls sont les membres pour les accompagner dans ses élections, afin de ne pas donner l’impression qu’ils sont les seuls candidats. Honnêtement, le régime était le seul candidat à ses élections.

Ouestafnews – Vous dites que le régime était seul, officiellement, il y a eu un taux de participation de 59%.

F.B.N – Nous vivons dans un pays où, même s’il pleut, le gouvernement vous dira qu’il neige. Nous sommes dans un pays où le régime a tendance à inventer les chiffres.

Je les ai même trouvés généreux dans les taux qu’ils se sont offerts de participation parce que je m’attendais à ce qu’ils nous disent, une participation de 95%. Honnêtement avec les personnes qui ont suivi de près, il n’y a pas eu plus de 10% de taux de participation à ses élections. Presque chaque bureau de vote était vide. Nous avions eu des observateurs indépendants qui ont pris des images, des vidéos dans chacune des préfectures du Togo, les bureaux de vote étaient vides.

C’est la plus faible participation qu’on ait jamais vu au Togo. Ces 59%, c’est pour se flatter, mais ils savaient pertinemment qu’il n’y a pas eu une forte participation durant ses élections.

Ouestafnews – Il y a eu des partis de l’opposition qui ont pris part à ses élections législatives.

F.B.N – Le seul parti qui se réclame de l’opposition qui a pris part à ses élections avait déjà un siège à l’Assemblé nationale, c’est l’UFC (Union des forces du changement) de Gilchrist Olympio.

Laissez-moi vous rappeler qu’en 2010, Gilchrist Olympio a formé une coalition avec le régime au pouvoir, RPT (Rassemblement du Peuple Togolais) et qu’ils ont même eu des ministres qui sont sortis de ce parti. Par conséquent, cela a complétement détruit le parti, UFC, qui à l’époque était le parti politique le plus puissant du Togo. La majorité des membres de l’UFC ont quitté pour former l’ANC (Alliance nationale pour le changement). Durant les dernières élections, l’UFC a un seul siège. Et l’UFC a battu campagne ensemble avec le régime au pouvoir durant les élections présidentielles de 2015.

Donc quand on dit que l’UFC est de l’opposition, c’est une insulte à l’intelligence des Togolais. C’est un parti qui se réclame comme étant de l’opposition mais qui est clairement membre de la mouvance présidentielle.

Ouestafnews – Le boycott de la coalition de l’opposition dénommée, C14, pensez-vous réellement que ça était une bonne stratégie ?

F.B.N – La C14 a fait ce qu’il avait lieu de faire. Si la C14 avait choisi de prendre part à ses élections, il serait totalement désavoué par le peuple parce que c’est le peuple qui ne veut pas des élections. Quand vous suivez de près le langage que tiennent les Togolais (vous comprendrez qu’ils) sont exaspérés. A chaque fois, on les conduit à des élections et on est dans un cercle vicieux d’élection qui n’apporte pas le changement que l’on veut.

 

Comment est-ce qu’on peut aller à des élections quand on sait que le système est ficelé et que c’est impossible d’avoir la transparence qui est requise pour une démocratie. Nous avons un pays où selon le découpage que le régime a fait dans certaines communautés qui sont pratiquement vues comme le « home » de l’opposition, il faut à peu près 200 mille voix pour avoir un siège mais (dans)les zones que le régime considère comme lui étant acquises, il faut six mille voix.

Durant les élections législatives précédentes, l’opposition a rassemblé un million 200 mille votes pour 30 députés. Le régime au pouvoir a rassemblé 800.000 votes pour 60 députés. C’est se f* de la gueule des Togolais.

On ne peut avec un découpage pareil aller à des élections et garantir que les voix du peuple vont se manifester. L’objectif des élections, c’est pouvoir représenter des aspirations des populations et représenter les populations, mais au Togo, nous n’avons pas des élections représentatives.

En dehors de cela, il y a beaucoup d’irrégularités, à commencer par le processus d’inscription sur les listes électorales. L’opposition avait boycotté les inscriptions sur les listes électorales parce qu’à l’époque le régime n’avait pas voulu les admettre dans la Ceni (Ndlr : Commission électorale nationale indépendante).

Quand ils ont ouvert le recensement et les inscriptions, l’opposition a dit – « tant que nous ne sommes pas présents au sein de la Ceni, nous ne participeront pas au processus ».  Après ce boycott, ils ont laissé l’opposition rentrer dans la Ceni et disent qu’on va aux élections avec cette liste. Et l’opposition dit non –vous devez rouvrir les inscriptions pour que tout le monde puisse s’enregistrer. Le régime a dit « pas question ! ».

Donc même si l’opposition avait participé à ces élections, ils (les opposants) ne pouvaient pas avoir les sièges qu’ils méritent parce que leurs militants ne sont pas inscrits. Si vous allez à des élections et que vos militants ne sont pas inscrits, à quoi cela sert-il ? En fin de compte, vous n’aurez pas de sièges. Et le régime dira, bon vous avez participé et vous avez perdu. Donc il vaut mieux carrément continuer dans le boycott.

Ouestafnews – Alors ces élections législatives ont-elles été un échec pour le pouvoir ?

F.B.N – Les législatives ont été, pour moi, un succès pour le Togo. Parce que ça nous a prouvé que le peuple togolais en a vraiment marre du régime au pouvoir. Quand on a annoncé l’appel au boycott, on ne s’attendait pas à ce que le peuple réagisse aussi positivement, mais le peuple a réagi. Le fait que le peuple a choisi de boycotter ces élections témoigne que le peuple ne veut plus s’associer à ce genre de mascarade au Togo.

(…) C’est un succès de mobilisation, la mobilisation n’est pas que participative. La mobilisation, peut également (avoir) caractère d’exclusion. Et le peuple a choisi de s’exclure d’un processus qui ne l’arrange pas. Dans ce sens, je dirai que c’est absolument un succès pour moi.

Sur le plan diplomatique, je dirai que c’est un échec. C’est un échec d’abord de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) parce qu’elle s’est affichée à un moment donné comme une institution qui voulait résoudre le contentieux togolais, mais a été incapable de pousser ce régime à reporter les élections (…).

Ceci constitue une preuve des limites de cette organisation. La Cedeao a prouvé qu’elle n’a pas de mécanisme de suivi et d’appui (…), ses recommandations peuvent être ignorées par les (gouvernements) sans qu’il n’y ait aucune conséquence.

Ouestafnews – Faites-vous référence aux critiques de la médiation qui reproche à la Cedeao d’avoir édicté une feuille de route sans chronologie ?

F.B.N – Exactement, sans chronologie et surtout sans avoir été en mesure de s’assurer que leurs propres recommandations soient suivies (…). La Cedeao est allé même jusqu’à féliciter le régime pour les efforts qu’ils ont fait pour organiser les élections. Dans (sa)  dernière sortie, elle a aussi encouragé les forces de l’ordre à continuer dans leur professionnalisme.

Mais nous avons vu comment les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des civils, comment elles ont tué des enfants, nous avons des images et des vidéos de militaires pointant leurs fusils sur des civils avant de les exécuter. Dans ces conditions comment est-ce que vous pouvez parler de professionnalisme ou bien est-ce que le professionnalisme, c’est tuer des civils et interdire les manifestations.

Au Togo, les conférences de presse sont interdites même dans les lieux privés. Les chefs religieux se sont rassemblés, ils ont convoqué une conférence de presse pour en appeler à des réformes afin d’éviter un bain de sang dans le pays. Le ministre de la sécurité publique leur a envoyée une lettre pour leur dire que les réunions publiques comme privées sont interdites au Togo.

Cette violation de la liberté d’expression, de la liberté d’association et même de la Constitution qui garantit dans son article 6 que les réunions privées ne peuvent être régulées par l’administration, ils le font dans l’arbitraire total et il n’y a pas de conséquences de la part des institutions qui sont mêmes supposés garantir ces droits pour les Togolais. Dans le protocole de la démocratie et de la bonne gouvernance de la Cedeao, la liberté d’expression, la liberté d’association sont garanties mais au Togo ils sont constamment violés et rien n’est fait. C’est inadmissible.

Ouestafnews- Au-delà de la Cedeao, comment voyez-vous la bienveillance que la France a toujours eu envers le régime togolais ?

F.B.N – Dès le début Eyadéma (Etienne Gnassingbé Eyadéma, père de l’actuel président) a été choisi par la France pour diriger le Togo et quand il est décédé en 2005, le président français de l’époque Jacques Chirac a dit je cite : «  La France perd un grand ami et moi un ami personnel ».

La France a fait des pieds et des mains pour s’assurer que son fils Faure prenne le pouvoir alors que, la constitution togolaise prévoyait que c’est le président de l’Assemblée qui remplace le président en cas de vacance du pouvoir, ils ont fait un coup d’Etat pour (installer) Faure qui était ministre à l’époque.

Malgré ce coup d’Etat, le président Chirac a félicité Faure Gnassingbé qui a pris le pouvoir dans des conditions totalement arbitraires. Il va sans dire que la France a toujours joué un rôle dans le maintien de la dictature au Togo

 

ON-MN-DD/ts

 

Source:https://www.ouestaf.com/togo-la-france-a-toujours-joue-un-role-dans-le-maintien-de-la-dictature-selon-farida-bemba-nabourema-entretien-exclusif-1ere-partie/?fbclid=IwAR3hNPrQkBB9XDJkpx5WDnu59OMRYcjBHDwfYIMfUapGc4ge993U-nidCik

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