Depuis le début de la crise sanitaire liée au Coronavirus, « tout » s’est arrêté pour ces familles au quotidien habituellement très structuré. Les personnes autistes ont de forts besoins de repères et de rituels et du jour au lendemain, ils ont vu leur train de vie très modifié. Forcément, cette vie entre parenthèse les perturbe fortement. Deux mamans nous font partager leurs difficultés, mais aussi les points positifs du confinement.

Mandy, maman de N., 7 ans

Notre petit garçon présente un trouble du spectre autistique (TSA) non verbal. En temps normal, sa vie est très organisée, et chaque jour de la semaine a une spécificité différente. Il va à l’école (12h /semaine) et a une AVS pour sa scolarité. Il a ses rendez-vous habituels d’orthophonie, de psychomotricité, de temps avec son éducatrice spécialisée et son enseignante spécialisée. C’est pour lui un rituel. Entre deux, nous essayons quand même de prendre du temps pour des activités à la maison (jeux de société, peinture…).

Nous avons pris le début du confinement « sereinement », on n’avait pas le « choix », comme beaucoup de parents. Nous avons essayé de lui expliquer, mais très vite, nous avons eu l’inquiétude du déroulement de ses journées. Nous avons gardé les mêmes horaires qu’en temps “normal” : heure du lever, des repas et du, coucher.

Les premiers jours, nous avons opté pour des choses qu’il avait l’habitude de faire comme l’écriture etc… mais au bout d’une bonne semaine, son comportement commençant à changer, les activités sont devenues très difficiles : les petites chansons, les mémos… ne lui disaient plus rien (peut-être ne comprenait-il pas que nous faisons un peu d’école à la maison). Des « petites » crises et pleurs se sont mis en place, et un besoin de le rassurer encore plus et d’essayer d’apaiser ses pleurs s’est fait ressentir. Pour une maman (et aussi pour le papa et la petite sœur), c’est très difficile de le voir plus énervé et stressé. On essaie de faire au mieux, mais on se sent parfois impuissant.

Nous sommes vraiment formidablement soutenus, que ce soit par la maîtresse qui assure un suivi par mail très fréquent, ainsi que par tous les intervenants extérieurs qui prennent de nos nouvelles très régulièrement par mail et par téléphone. Je peux poser des questions et j’ai des réponses très rapides. Quand j’explique à mon garçon que tous ces gens pensent à lui, cela le fait sourire.

Si je dois voir le positif, je dirais que cela a resserré des liens, nous prenons encore plus le temps de communiquer (avec un peu de langage des signes également), de faire des pâtisseries ensemble, d’écouter de la musique, de faire plus de lecture, et aussi de ne pas « courir » après le « temps ».

Nous avons trois enfants. L. est le plus grand, M., 7 ans a également été diagnostiqué TDAH avec particularités sensorielles, et L.R, bientôt 4 ans qui est très très vive et vit avec les particularités de ses deux frères ! L. est atteint d’autisme de haut niveau, type Asperger. En temps normal, son quotidien est occupé et très ritualisé. Il se lève et se couche à la même heure, il fait toujours tout dans le même ordre. Aller à l’école est très important car il y trouve des repères. Il a plusieurs soins par semaine : psychomotricité, psychologue, ergothérapeute, éducatrice spécialisée. Il va au catéchisme et sert la messe le dimanche (il est très croyant et pratiquant alors que nous le sommes très peu, voir pas).

Au tout début du confinement, il n’a pas trop mal réagi. Il s’est dit que ça allait être provisoire, mais tout s’est accéléré quand il a appris que le catéchisme et la messe s’arrêtaient aussi. Il l’a très mal vécu. Il a pu aller voir une dernière fois notre cheval avant que ça ne devienne interdit.

Un des gros point noir, c’est l’absence de continuité pédagogique de la part de son maître… Il nous laisse clairement à l’abandon en nous disant de piocher à droite et à gauche pour le faire travailler. Heureusement qu’une fois par semaine la maîtresse du mardi envoie du travail.

Il y a aussi la régression. Il n’a plus aucun repère, les balancements reprennent, les codes sociaux sont très loin, les bruits qu’il fait etc.. il ne supporte plus grand chose et a du mal à se concentrer. Sa parole est beaucoup moins fluide, il bute de nouveau quand il parle… Bref nous sommes revenus a quelques années en arrière quand nous avions pas le suivi adapté, alors on réapprend les gestes les plus simples encore et encore…

Heureusement, mon mari est là pour prendre le relais et assurer son rôle de père. Le SESSAD (service de soins spécialisés) nous appelle plusieurs fois par semaine. On fait le point, on parle, on rit, on me conseille, on m’envoie du travail psycho-éducatif. Je n’ai pas de mots pour les remercier de leur travail, ils sont si impliqués !

Ensuite j’ai des ami(e)s qui peuvent m’écouter si besoin. Et certains n’hésitent pas à me demander si ça va avec les enfants… D’autres par contre ne donnent plus de nouvelles.. nous sommes souvent des pestiférés !

Le point positif ? On prend notre temps, on lui apprend à vivre autrement.

5 conseils pour gérer le confinement avec un enfant autiste

700 000 familles sont concernées en France. Toute la difficulté de ce confinement réside dans le fait de trouver de nouveaux repères car il est important de ne pas troubler les habitudes d’un enfant autiste. Entre le télétravail des parents, l’école à la maison… c’est la tempête tous les jours ! On demande aux parents de se transformer en éducateur, en animateur… Certaines familles sont isolées, perdent leurs revenus, leurs amis, leurs jobs… c’est un cataclysme. Voici donc les conseils de Florent Chapel, co-fondateur de l’Association Autisme Info Services.

Essayer de se rendre disponible au maximum

N’essayez pas de vouloir tout gérer à la perfection, vous n’y arriverez pas. Avoir une maison bien rangée, des repas bien préparés, faire tous les devoirs des enfants et préparer votre réunion du lendemain… c’est mission impossible. Concentrez-vous sur l’essentiel, votre enfant et la manière de lui faire vivre le mieux possible le confinement. Sachez que si les deux parents travaillent, un arrêt maladie est possible pour l’un des deux afin qu’il puisse s’occuper de son enfant.

Penser à structurer son temps et son espace

Il est essentiel de continuer à s’imposer une routine quasi militaire. Respect des heures de lever, de coucher, de repas, travail, balade… Si on laisse tout filer, l’enfant risque de se renfermer sur lui-même. Attention aux écrans, qui doivent être limités.

Continuer à avoir des interactions sociales à l’extérieur

Des Facetime avec l’orthophoniste, des autres enfants, la famille… chacun étant confiné chez soi, les gens ont du temps ! Sollicitez les cousins pour faire des batailles navales en ligne par exemple. N’hésitez pas à appeler à la solidarité et à utiliser les outils des éducateurs, des associations de parents…

Sortir

Les sorties des enfants autistes ne sont pas limitées à une heure. Profitez-en pour vous balader si vous le pouvez (en respectant les mesures barrières) afin de structurer les journées et de vous aérer le corps et l’esprit.