La crise sanitaire et économique accentue la pression sur les réserves de change et sur la devise congolaise.
Une nouvelle fois, l’État congolais a approché la banque centrale pour mettre à sa disposition les devises lui permettant de répondre à ses engagements. En pleine crise du Covid-19, la monnaie nationale de République démocratique du Congo dévisse. Quand 1 dollar était échangé en moyenne 1 700 francs congolais à la banque il y a quelques semaines (1 725 francs sur le marché parallèle), il se situe à présent à 1 pour 1 800 sur le marché officiel voire 1 850 dollars en moyenne pour le marché parallèle, selon nos informations.
Face notamment au risque de spéculation, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Deogratias Mutombo, a été chargé d’actionner les mécanismes nécessaires pour stabiliser le taux de change de la monnaie nationale. Quant aux ministres en charge du Budget, Jean-Baudouin Mayo, et des Finances, José Sele Yalaghuli, ils ont été invités à limiter les dépenses publiques et à procéder à un « ajustement budgétaire », a indiqué la banque à l’issue du dernier Comité de politique monétaire.
Première mesure concrète engagée par Kinshasa, le 4 mai, la banque centrale a procédé à la vente de devises aux banques commerciales de la place, afin de servir les opérateurs économiques qui en ont besoin pour les importations. « Le montant total en dollars vendu par la Banque centrale du Congo lors de la dernière enchère était de 25 millions de dollars, ce qui est largement inférieur à une demande estimée de plus de 50 millions de dollars », explique Willy Mulamba, directeur général de Citigroup Congo et responsable du département marchés et trésorerie, interrogé par Jeune Afrique.
Rapatrier les recettes d’exportation
Cette situation n’est pas inédite. Elle est exacerbée aujourd’hui par la crise du Covid-19, associée à la chute des exportations, une demande chinoise en minerai congolais (cobalt notamment) fortement réduite et la congestion des autres secteurs de l’économie (télécoms, agriculture, énergie).
Le franc congolais a perdu la moitié de sa valeur vis-à-vis du billet vert entre 2016 et 2018, passant d’environ 900 unités pour 1 dollar US à 1 650 unités, avant une stabilisation interrompue ces derniers mois. Pour mettre fin à la baisse récurrente de devises sur le marché de change, en 2017, une instruction de la BCC demandait le rapatriement de 40 % des recettes d’exportation par les entreprises minières. Depuis, la mesure peine à être respectée.
Début mars, le Premier ministre, Sylvestre Ilunga, en application à l’instruction de la banque centrale, a demandé le rapatriement des devises. Résultat, quelque 120 millions de dollars ont été rapatriés.
Niveau fragile des réserves
La Banque centrale disposait, à la fin du mois d’avril, de 1 milliard de dollars environ à fin avril, ce qui correspond à une couverture d’importation des biens et services de trois semaines sur ressources propres. Cette couverture est en hausse, en raison des appuis budgétaires obtenus par l’État auprès du FMI au titre de la Facilité de crédit rapide. Malgré ces efforts, ces réserves sont inférieures au minimum requis de six semaines d’importation de biens et services, dans le cadre des critères de convergence macroéconomique de la SADC et du Comesa, dont le pays fait partie.
« Nous avons 1,3 milliard de dollars de réserves de change. Nous allons faire acte de présence sur le marché de change », avait indiqué la banque centrale fin avril. Tout en précisant ne pas exclure « d’autres interventions indirectes ou implicites » dans le futur.
En-dehors de la maîtrise du budget et de la vente de devises aux banques, le gouverneur de la BCC a également évoqué l’intention d’émettre des bons du Trésor de valeur élevée pour ponctionner la surliquidité sur le marché de change et permettre au gouvernement de financer ses dépenses.
« Dans l’état actuel des choses, le gouvernement a peu de marge de manœuvre pour sa politique économique à moyen et long terme. D’où l’importance de continuer sa politique d’ouverture vis-à-vis des bailleurs de fonds », conclut un analyste. La capacité d’intervention de la banque centrale pour résorber le choc interne demeure toujours faible. La question réside dans la capacité du gouvernement de mobiliser suffisamment de recettes publiques pour financer ses dépenses.