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Quand des élus se pressent dans le restaurant du dernier parrain marseillais



Au cours de leur enquête qui allait faire tomber Michel Campanella, les policiers ont vu Jean-Claude Gaudin, Martine Vassal, Samia Ghali, mais aussi des magistrats défiler à la pizzeria où celui qui est présenté comme le dernier parrain de Marseille donnait ses rendez-vous.

Aux environs de 21 h 30, ce dimanche 28 juin 2020, le sort de Marseille s’est joué. Deux fois. La liste d’union de la gauche, menée par l’écologiste Michèle Rubirola, est annoncée en tête du second tour des municipales avec 10 points d’avance sur la candidate LR, Martine Vassal. Et quelques minutes plus tard, La Provence annonce qu’un juge des libertés et de la détention vient de décider de placer en détention provisoire Michel Campanella.

Tout a été très vite dans ce dossier, au nom de code de « Fort Boyard », qui a fait tomber celui qu’on présente volontiers comme le dernier parrain de Marseille. Trop vite ?

Alors qu’il s’apprêtait à aller déjeuner, Michel Campanella, dit « Canari », avait été interpellé mardi 23 juin dans l’une de ses entreprises située dans une zone d’activité à Aubagne. Une demi-douzaine de complices présumés sont également placés en garde à vue. D’après une source judiciaire, il y aurait eu « une précipitation dans les interpellations ». Il fallait que le dossier soit bouclé avant le résultat du second tour, affirme une source policière.

Pourquoi ? Parce que des personnalités politiques apparaissaient dans le cadre des surveillances policières. Et pas des moindres. Rien de moins que Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille encore en exercice. Et deux des candidates à sa succession, Martine Vassal et Samia Ghali. Et ce alors que la campagne de la première était entravée depuis la mi-juin et les révélations de Marianne et France 2, décrivant un système de collecte de procurations illégales réalisé par des colistières de la candidate LR. Et que la seconde, tout juste nommée seconde adjointe au maire, voit quatre de ses proches, dont un commissaire de police et une colistière, être placés en garde à vue eux aussi pour des soupçons de fraudes aux procurations lors de ces mêmes élections municipales.

Sollicité, le parquet de Marseille n’a pas répondu à nos questions sur la chronologie des interpellations dans le dossier « Fort Boyard ».

Contacté, Me Jean-Jacques Campana, l’avocat de celui qui se présente comme un simple commercial travaillant dans une société privée, n’a pas souhaité répondre aux questions de Mediapart.

Michel Campanella © DrMichel Campanella © DR

Le Canari a été mis en examen pour une « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes commis en bande organisée, extorsions commises en bande organisée, recel en bande organisée de biens provenant de vols commis en bande organisée, blanchiment par dissimulation du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit en bande organisée et détention d’arme de catégorie B ».

Le parquet de Marseille a expliqué dans un communiqué qu’il lui était reproché d’être à la tête d’« une organisation se livrant au racket de plusieurs établissements de loisirs et de restauration en vue de la place de Marseille, soit par le rachat forcé de certains d’entre eux, soit par le prélèvement d’“enveloppes’’ ». En soi, rien de bien original sous le soleil de Marseille.

« Les perquisitions ont donné lieu à la saisie de près de 40 000 euros, de gilets pare-balles, de matériel de surveillance et de brouillage, de véhicules volés et de jerricans d’essence dans des boxes utilisés par certains de ses membres », complétera, le lendemain du déferrement des mis en cause et du second tour des municipales, Dominique Laurens, procureure de la République de Marseille. L’aboutissement d’une enquête lancée il y a plus de deux ans et destinée à faire tomber le dernier parrain de Marseille (les autres étant soit très vieux, soit très rangés).

Pour ce faire, les enquêteurs de la direction interrégionale de la police judiciaire de Marseille n’ont pas lésiné sur les moyens : balises GPS, caméra d’inspection endoscopique pour regarder à l’intérieur de boxes de parking sans les ouvrir. Mais ce sont un simple appareil photo et des micros qui confèrent à cette affaire tout son sel.

Au mois de janvier 2019, la brigade financière opère, dans le cadre d’une procédure distincte, une perquisition dans la pizzeria la Villa Rocca, située dans le quartier huppé de Saint-Giniez, dans le 8e arrondissement, à proximité du stade Vélodrome. Cogéré par Nadine, la compagne de Michel Campanella, et avec le fils d’un trafiquant de drogue, le restaurant est la propriété de la compagne de Michel Campanella. Comme tout Marseille, les policiers ne l’ignorent pas. Ils profitent de la perquisition pour sonoriser le premier étage de l’établissement, là où « les gens viennent rendre compte à Michel Campanella ».

Leurs micros posés, les policiers s’en vont planquer dans les environs afin d’identifier qui sont les clients venus rencontrer celui qu’ils définissent dans une autre procédure comme « une figure notoire du grand banditisme régional ».

Ils voient ainsi l’homme d’affaires corse Michel Tomi, surnommé « le parrain des parrains », arrivant en fauteuil roulant, entouré de ses gardes du corps. Michel Campanella vient l’accueillir à l’entrée de la pizzeria.

Les policiers immortalisent également sur des photos Jean-Claude Gaudin, alors encore maire de Marseille. Mais aussi Martine Vassal, celle qui était appelée à prendre sa succession à la tête de la mairie, Samia Ghali, elle aussi candidate aux municipales et désormais deuxième adjointe chargée de l’égalité des territoires, des relations euro-méditerranéennes, de l’attractivité et des grands événements marseillais. Et encore des magistrats, dont au moins un procureur. Selon nos informations, sur les photos prises par les policiers, on voit ces personnalités seulement entrer à l’intérieur du restaurant, pas être attablées à côté de Michel Campanella.

La présence de ces personnalités politiques de premier plan a été néanmoins jugée suffisamment significative pour que les enquêteurs les versent dans leurs procès-verbaux de surveillance. Ils s’intéressent au sens de ces déjeuners ou dîners dans un lieu, certes fréquenté, mais qui n’est pas neutre. Selon Le Parisien qui rapporte également ce matin la présence de ces élus dans le restaurant, « le Marseille politique bruisse de rumeurs quant au contenu des écoutes et à l’identité des interlocuteurs du Parrain ».

Capture D'Écran Google Maps De L'Intérieur De La Villa Rocca. © DrCapture d’écran Google Maps de l’intérieur de la Villa Rocca. © DR

Restaurant huppé vantant sur son site internet une « dolce vita » marseillaise, « doux mélange méditerranéen, à cheval entre la Provence, la Corse et l’Italie », la Villa Rocca a pignon sur rue. Et il n’est pas illégal d’y aller manger. Seulement, à Marseille, il est de notoriété publique que l’établissement est tenu par la compagne de Michel Campanella et son fils.

Surtout, la sonorisation du premier étage laisse entendre que Michel Campanella s’y faisait remettre des enveloppes – d’un montant allant de 2 000 à 5 000 euros – par les gérants d’une dizaine d’établissements de nuit. En garde à vue, Michel Campanella a démenti toute implication dans des rackets ; il parle de simples devis. Commercial dans une société de sécurité, il plaçait des vigiles dans ces établissements.

Quelles que soient les suites judiciaires données, on ne peut que s’étonner que le maire de Marseille, lui-même inquiété par une enquête ayant trait à la gestion de la ville (lire notre article ici), et deux des personnes qui prétendaient lui succéder s’affichent publiquement dans cet établissement. Et se retrouvent ensuite mentionnés dans un dossier judiciaire.

Contactée, Samia Ghali nous a répondu qu’elle a « effectivement été une ou deux fois manger dans ce restaurant »« Maintenant, précise l’élue, je ne sais pas à qui il appartient. Quand je vais dîner, je ne demande pas à qui il est. »

Un message a été laissé sur le téléphone portable de Martine Vassal ; elle n’a pas répondu à nos sollicitations. Mediapart a essayé d’entrer en contact avec Jean-Claude Gaudin via la mairie qu’il a dirigée durant 25 ans et son avocat, sans succès.

Dans l’entourage des Campanella, on défend les clients du restaurant : « C’est un lieu public. C’est comme si vous alliez à la Coupole ou au Fouquet’s, à Paris : vous ne vous renseignez pas sur les propriétaires ! Au Rocca, la pizza est bonne. Il faut arrêter la chasse aux sorcières ! »

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