Il fut un temps Pape Diop était président de l’Assemblée nationale. Ensuite, l’ancien maire de Dakar est devenu le numéro 2 des chefs d’institutions en tant que président du Sénat. 10 ans après, la tête de liste nationale de la coalition Bokk Guiss Guiss Liggeey semble nostalgique de cette institution supprimée pour régler le problème des inondations. Capté par «Bès bi», en pleine campagne électorale à Kédougou, Pape Diop repose le débat sur le retour du Sénat. Dans cet entretien, le leadeur du Parti Bokk guiss Guiss analyse les violences dans la campagne et l’affaire Sonko/Rts.
Après une semaine de campagne, quel bilan d’étape pouvez–vous nous faire ?
Je pense qu’une campagne démarre en générale d’une manière un peu timide. Nous l’avons peut–être pas vécue parce que depuis le début, nous avons quitté Dakar en passant par Tivaouane, Mékhé, Saint–Louis, Louga, Kébémer. Et jusqu’à aujourd’hui, hier (Ndlr : dimanche), nous sommes arrivés à Kédougou où nous avons rencontré les militants. Nous allons nous acheminer vers Salémata et Saraya pour faire un meeting à Salémata et une caravane à Saraya. Mais au total, je pense que nous avons commencé une très bonne campagne et nous espérons que les 10 derniers jours vont être déterminants pour le reste. En tout cas, nous sommes très satisfaits de ce que nous avons vu. Parce que, en dehors des grandes capitales départementales, nous descendons dans les communes rurales où nous faisons également des rencontres avec les populations, nos militants. Je pense que ça se passe très bien pour l’instant. Hier, nous avons rencontré une forte délégation et d’ailleurs, je réserve la primeur au meeting de Salémata et les gens sauront que nous sommes en train de faire le travail correct pour une campagne électorale de Législatives. Récemment nous avons reçu le soutien d’un responsable d’une grande coalition de l’opposition à Bakel. Je ne veux pas citer le nom de la coalition mais les gens sauront. Il est venu avec ses militants pour nous soutenir dans ce département. Nous avons rencontré hier une forte délégation et le responsable est venu avec ses militants pour soutenir notre candidat dans le département de Bakel. Je pense que ça augure des lendemains meilleurs, ici à Kédougou également, mais nous voulons que ça soit médiatisé très fortement.
Comment appréciez–vous les cas de violence qui émaillent cette campagne électorale ?
Nous avons toujours regretté ces cas de violences, qu’elles soient physiques ou verbales. Je pense que nous sommes dans une campagne électorale où ce qui doit primer, ce sont les idées, les programmes de Partis pour que les populations soient en mesure de choisir. Mais les scènes de violences sont à bannir dans notre pays. En tout cas, nous appelons les uns et les autres au calme, à la paix pour que cette campagne se déroule pour toutes les coalitions et que le 31 juillet, les Sénégalais puissent choisir leurs députés. Nous avons même appris à Thiès, par exemple, des scènes de violences à l’intérieur d’une même coalition : c’est vraiment regrettable. Et puis, le traitement réservé à la Rts n’est pas digne d’un homme politique. Moi, je pense que nous devons nous ressaisir tous. Je commence par moi–même pour avoir des comportements exemplaires.
Donc, si c’était vous, vous n’allez pas retirer le micro de la Rts comme l’a fait Ousmane Sonko ?
Vous savez, la presse est là pour transmettre des informations. Nous avons besoin de la presse et vice versa. Quel que soit par ailleurs le traitement qu’un organe de presse puisse faire à l’endroit d’un homme politique, cela ne donne pas une raison d’avoir des comportements répréhensibles. Moi, je ne le ferai pas. Je lance un appel encore une fois de plus à mes collègues. Tous les hommes politiques surtout les leadeurs parce que, il y a les jeunes qui nous regardent, doivent s’inspirer de nous et prennent référence sur nous. Si ces jeunes voient ces comportements–là, je pense que ce n’est pas une bonne chose. Donc, je pense que ça a été une erreur tout simplement de la part de Ousmane Sonko. Mais, je ne crois pas qu’il soit de nature aussi violente. Maintenant, il arrive des moments où la tension monte et que les gens peuvent faire des actes qu’ils regrettent après.
Qu’est-ce que vous proposez aux électeurs pour une Assemblée nationale de rupture ?
Nous souhaiterions que cette Assemblée, cette 14e législature soit différente de toutes les autres. En mettant au–dessus l’intérêt supérieur des populations et que la majorité permette à tout député, qu’il soit de l’opposition ou du pouvoir, d’apporter des amendements. Si ces amendements rencontrent les intérêts des populations, qu’ils soient étudiés et versés dans le projet. On le voit dans toutes les grandes démocraties. Vous voyez quelquefois en France la navette qu’il y a pour qu’une loi entre à l’Assemblée, le Sénat, ça peut faire trois mois quelquefois. D’où la nécessité de faire revivre le Sénat. Nous avons aujourd’hui des institutions ayant montré leurs limites : elles ne se réunissent pas, ne travaillent pas, ne font rien du tout. Nous aurions dû faire les changements qu’il faut pour donner un peu plus de pouvoir à l’Assemblée, recréer le Sénat et permettre à ces deux institutions délibératives de pouvoir réellement influer sur les projets de loi. Et également mettre en place des propositions de loi qui sont acceptées et qui sont étudiées par les deux institutions.
Donc, vous êtes pour le retour du Sénat ?
Je suis pour le retour du Sénat parce que toute grande démocratie a besoin de deux chambres contradictoires. Donc, le monologue n’est pas une bonne chose en matière de démocratie. Donc, cela ne ferait que renforcer notre démocratie. Il faut permettre aux institutions de pouvoir influer sur les projets de loi de l’Exécutif mais également à avoir la possibilité de faire des propositions de loi qui sont étudiées par les deux chambres.
Et que serait le sort des institutions comme le Haut conseil des collectivités territoriales et le Conseil économique, social et environnement ?
Je ne sais pas, mais le Hcct n’existe qu’au Sénégal. Je ne pense pas que le Hcct soit nécessaire au Sénégal. Vous le constatez, comme moi, depuis qu’il a été créé, vous ne pouvez pas citer des contributions que cette institution a pu produire pour la démocratie ou même pour l’Acte 3 de la décentralisation. Aujourd’hui, l’Acte 3 de la décentralisation doit être évalué et nous devons aller vers des réformes beaucoup plus approfondies pour donner beaucoup plus de moyen à ces collectivités locales. Mais cela doit être encadré également. On ne peut pas donner des moyens aux collectivités locales sans pour autant encadrer ça et sans également avoir le contrôle nécessaire qui nous permettra de préserver les maigres ressources que nous avons. D’où la nécessité de donner beaucoup plus de pouvoirs et de moyens aux différents corps de contrôle et également, leur donner une autonomie qui va leur permettre de saisir le Procureur ou de s’autosaisir pour aller faire des audits dans les institutions. On ne peut pas avoir 500 et quelques collectivités locales au Sénégal qui ne sont jamais auditées. Sinon, il y en a une dizaine, une vingtaine par an alors que pour chaque mandature, chaque collectivité locale devait recevoir un corps de contrôle, au moins pour savoir ce qu’on y a fait ou pas. Mais, depuis 5 ans ou plus, le Hcct n’a rien fait, ne se réunit pas, ne fait rien du tout. Donc, ce Hcct est inutile, à la place, on aurait pu créer le Sénat qui apporterait une lecture contradictoire par rapport à l’Assemblée.
En tant que membre de la 13e législature, quel bilan tirez–vous de ces 5 ans à l’Assemblée nationale ?
On dira un bilan très négatif. Je le constate avec vous, avec tous les Sénégalais. Nous avons vu des scènes de violences, quelque fois verbales. À chaque rencontre, plénière, on n’a jamais vu une plénière qui s’est passée tranquillement où les gens ont débattu d’une manière correcte. Toujours, ce sont des invectives, des insultes et, quelquefois, c’est la violence. C’est ce que tout le monde dit. C’est la plus mauvaise législature que nous ayons connue. Maintenant, je pense que ce sont les Sénégalais qui apprécient. Mais, je souhaite qu’on ait une 14e législature qui va réconcilier l’Assemblée nationale avec son Peuple.
Pape Diop : « Je suis en phase… pour le retour du Senat »
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