Manon ou Cassiopée ? Liam ou Alexandre ? A l’heure de choisir le prénom de votre bébé, le doute s’installe. Rien de plus naturel, puisque ce dernier le suivra toute sa vie et va participer à la construction de son individualité. Le choix d’un prénom n’est jamais anodin, alors que faire ? Classique ou original ? Au début du XXe siècle, Marie et Louis étaient les deux prénoms les plus donnés en France. Aujourd’hui, comme nous l’explique le sociologue Baptiste Coulmont, les prénoms dits « rares », c’est-à-dire donnés à quelques enfants seulement par an, représentent désormais environ 10% des naissances. La mode est en effet à l’originalité.

Cette mouvance s’explique selon lui par différentes raisons. Pour commencer, il n’existe plus de contrôle orthographique de la part de l’État Civil depuis 1993. Le prénom doit juste pouvoir être écrit avec l’alphabet latin. Les parents peuvent donc écrire Jennyffer ou Jenifer ou Jennyffère s’ils le souhaitent. Dans le cas de doute sur le prénom, l’officier de l’État Civil peut envoyer le dossier au Procureur de la République qui est le dernier juge. Si ce dernier rejette la proposition, le prénom pourra tout de même figurer sur l’État Civil, mais ne sera pas le prénom officiel (papiers d’identité…). Mais ce cas de figure est rare, il faut vraiment que le prénom soit considéré comme préjudiciable à l’enfant.

Le rôle du prénom a évolué

Mais d’après le spécialiste, cette tendance ne serait pas une quête absolue d’originalité, mais relève plus d’une recherche d’identification simplifiée avec un prénom plus rare. En effet, Les prénoms ont de nos jours un rôle de plus en plus prépondérant. A l’école, au bureau… On nous appelle la plupart du temps par notre prénom. A une autre époque, le prénom était secondaire et seulement usité dans un cercle de proches. On pouvait donc avoir plusieurs Pierre dans la même fratrie par exemple, ce n’était pas un problème. Il s’agit donc aujourd’hui d’avoir un prénom différent dans un souci d’identification.

Enfin, pendant très longtemps, le prénom était bien souvent transmis du grand-père ou du parrain. Qu’il soit joli ou pas, qu’on l’aime ou non, ce n’était pas la question. De nos jours, il y a une véritable question de goût dans le choix du prénom. Le prénom est souvent un symbole d’appartenance, notamment à un groupe social. D’où la plus grande réflexion autour de ce choix. Cependant, une récente étude estime que les personnes évoluant avec un prénom peu commun ou difficile à prononcer inspireraient moins facilement la confiance à leurs interlocuteurs. L’impact d’un prénom compliqué sur l’enfant doit-il alors être pris en compte ?

Miser sur un prénom familier ou l’originalité ?

D’après ces travaux, la « désirabilité sociale » d’un prénom varierait ainsi en fonction de sa fréquence. A mesure qu’augmente son emploi, un prénom revêt un caractère rassurant, et devient un classique, souvent plus apprécié, comme l’a constaté Nicolas Guéguen, auteur de la Psychologie des prénoms.  » On rejoint la théorie de la familiarité en psychologie. Les stimuli auxquels nous sommes fréquemment exposés nous plaisent plus. Ce qui nous est familier nous est sympathique. Une simple variation orthographique du prénom provoque une perception moins positive. » On sera ainsi plus tenté d’aider les personnes portant des prénoms communs, fédérateurs comme Antoine ou Jeanne, ou encore proches du nôtre ou de ceux de notre entourage. Un peu comme si on avait l’intime conviction de connaître cette personne.

En 1983, le professeur Joubert a ainsi souhaité connaître l’impact des prénoms communs ou rares sur les résultats scolaires des étudiants : il en conclut que les personnes possédant un prénom inhabituel sont plus handicapées en termes de réussite universitaire que celles possédant un prénom plus conventionnel. « Il se pourrait que les prénoms conventionnels, qui renforcent l’estime de soi et qui sont mieux appréciés par les enseignants, facilitent les performances scolaires et universitaires, » soulignait ainsi ce docteur en psychologie sociale.

Mais depuis, les mœurs ont quelque peu évolué. Les parents peuvent se permettre davantage d’audace. «  »On peut très bien vivre avec un prénom original s’il est assumé, nuance Nicolas Guéguen. Il est même parfois gage d’une indépendance d’esprit et de caractère » ». Mais de manière générale, quelques petites règles simples peuvent être suivies : attention aux jeux de mot avec le nom de famille (Harry Zona) ou aux initiales douteuses (W.C, P.Q.) Pour le reste, à vous de voir. Votre enfant sera unique, quoi qu’il arrive, qu’il ait un prénom original ou non.