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L’eldorado européen de la prostitution africaine



Des filières de prostitution structurées se sont mises en place entre l’Afrique et l’Europe. Lorsqu’elles ne tombent pas aux mains des mafieux, ces femmes développent un business florissant.

Lausanne, quartier de Sévelin. Dans les sous-sols d’un immeuble résidentiel abritant une dizaine de salons, Irma et Dolly s’apprêtent à recevoir dans leur chambrette leurs premiers clients du soir. Prostituées camerounaises installées en Suisse depuis respectivement deux ans et six ans, elles ont choisi de travailler dans un salon de massage, propriété d’une compatriote naturalisée suisse.

Dans un pays où la prostitution est légale, elles disent exercer en toute sécurité. C’était déjà le cas lorsqu’elles évoluaient dans l’une des deux rues fréquentées par leurs consoeurs, entre 22 heures et 5 heures du matin. Selon l’inspecteur Sylvain Lienhard de la brigade des moeurs de Lausanne, le Cameroun et le Nigeria sont les deux pays les plus représentés dans le milieu de la prostitution africaine : une dizaine de Camerounaises et huit Nigérianes arpentent quasi quotidiennement la rue de Genève. Comme la loi l’exige, toutes doivent être indépendantes et munies d’un permis de séjour.

Leur venue en terre helvète ? L’histoire d’une saine émulation : une cousine est revenue au pays avec des signes extérieurs de richesse après seulement neuf mois d’absence. Pour Olivier Enogo, auteur d’un ouvrage sur les filières africaines de la prostitution, l’entourage familial élargi constitue l’un des principaux réseaux d’exportation. Une connaissance aguerrie ouvre la voie à la candidate en lui présentant les bonnes personnes.

En période estivale, des Africaines – dont des femmes mariées – se retrouvent ainsi en France ou en Suisse et gagnent en deux ou trois mois l’équivalent de deux années de revenus d’un couple. La filière est d’autant plus exploitée que, dans bien des pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, la prostitution n’est pas perçue comme un fléau en soi mais comme un moyen de subsistance. Il arrive ainsi que des familles ou des villages entiers se cotisent pour permettre à l’une des leurs de s’envoler, dans l’espoir d’un retour sur investissement.

Mais il y a aussi celles qui se débrouillent seules sur le web. Elles se disent en quête d’un mari apte à les sortir de la misère. Les adresses internet telles qu’affection.org pullulent de profils d’Africaines. S’il y a des naïves, la plupart savent bien ce qu’elles font et se retrouvent assez vite sur le trottoir ou sur des sites spécialisés.

Toujours selon la brigade des moeurs de Lausanne, les passeports des filles voyagent également beaucoup, preuve qu’elles les prêtent volontiers à des connaissances du pays désireuses de venir se prostituer. À chaque interpellation, la police vérifie qu’elle ne sont ni issues des réseaux de traite d’être humains, ni recherchées, ni inscrites au fichier des personnes disparues.

De 30 à 150 euros la prestation

Et il n’y a pas que la Suisse. Jeune quadra, Emmanuelle est arrivée en France il y a dix-sept ans avec un visa de touriste. Aide-soignante la nuit dans un hôpital d’Orange, dans le sud de la France, cette mère de quatre enfants âgés de 18 mois à 16 ans déclare qu’elle se prostitue tous les jours entre 14 heures et 17 h 30 pour arrondir ses fins de mois.

À 30 euros la fellation, 50 euros la pénétration et 150 euros la sodomie, cette grande adepte de tontines (système de prêt basé sur les relations de confiance) n’est pas peu fière d’avoir épargné en trois ans de quoi s’acheter sa petite entreprise de cinq salariés : un salon de coiffure et de soins esthétiques dans la ville où elle réside. Elle affirme ne rien regretter, elle qui est propriétaire de son appartement à Orange et d’un duplex dans sa ville natale de Banga, au Cameroun.

Mais si les “Suissesses camerounaises” au look tapageur de sapeurs congolais sont le groupe le plus visible et le plus souvent cité, la prostitution consentie concerne tous les pays. Les Marocaines trustent les Pays-Bas tandis que les Gabonaises et les Ivoiriennes occupent le sud de la France. Toutes redoutent la concurrence des Nigérianes et des Ghanéennes, qui cassent les prix. Elles sont réputées arriver par l’intermédiaire des “mamas”, une particularité des filières africaines.

Anciennes prostituées affranchies (elles ont réussi à acheter leur liberté en remboursant leur dette aux passeurs), les mamas “encadrent” les nouvelles recrues et les enferment moralement. Basées en Afrique ou en Europe, les mamas vantent leurs réseaux et se targuent de posséder des dizaines de passeports – souvent ceux de leurs obligées déjà établies en Europe -, qu’elles monnaient. Et aident à brouiller les pistes : les nouvelles recrues transitent par différents pays avant d’atteindre leur destination finale.

LE SOUPÇON DE TRAITE HUMAINE N’EST JAMAIS VRAIMENT TRÈS LOIN.

Ici, en effet, le soupçon de traite humaine n’est jamais vraiment très loin. À Paris, le Syndicat du travail sexuel (Strass), qui compte parmi ses adhérents des Africaines décomplexées, épanouies, refuse pourtant cette assimilation constante entre prostitution et exploitation. Pour Bug, porte-parole de l’organisation, il est important de souligner que toutes les prostituées ne sont pas exploitées et qu’il y a moins d’exploitées que les chiffres officiels le prétendent.

800 euros la journée en appartement

Il les estime en revanche soumises à la pression de la police et de l’État, en particulier quand elles sont en situation irrégulière. Ce qui pousse les Africaines à conquérir de nouveaux territoires grâce à internet : la Norvège et la Suède, par exemple, leur sont désormais accessibles, tout comme le Canada. Internet influence aussi leur manière d’exercer. Selon Emmanuelle, on peut prendre son temps car on reçoit à domicile. Cela va en revanche plus vite dans la rue, ce qui permet de faire du chiffre. Certes, ses copines qui travaillent en appartement gagnent parfois jusqu’à 800 euros quotidiennement. Mais il leur arrive aussi de ne pas voir le moindre client passer pendant plusieurs jours.

 

Bug sait que la plupart des prostituées effectuent un long périple à travers l’Europe avant de débarquer en France. Les plus douées peuvent espérer rejoindre la Suisse et les Pays-Bas, lieux qui font figure d’eldorado.

Mais il ne s’agit pas d’une filière en or. Pour une ou deux “réussites”, il y a des dizaines d’histoires tristes, voire dramatiques, de récupération : arrivée en indépendante dans le métier grâce à son parcours migratoire, une prostituée peut ainsi se faire rattraper par des groupes mafieux lorsque ceux-ci décèlent chez elle un fort potentiel (un chiffre d’affaires honorable). Un “testeur” se faisant passer pour un client est alors envoyé pour “l’évaluer”. Si l’examen est concluant, tout est mis en oeuvre pour la soumettre. Commence alors la descente aux enfers : blocage de passeport, maltraitance. Elle se retrouve, bon gré mal gré, dans un réseau.

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