Alors que les diplomates occidentaux se précipitaient vers l’aéroport de Kaboul quand les talibans envahissaient la ville le week-end dernier, l’ambassade de Russie y est restée ouverte et a annoncé que ses diplomates travailleraient normalement.

C’était un signe de la façon dont, bien qu’apparemment surpris par la vitesse de la prise de contrôle des talibans comme le reste du monde, la Russie essaie maintenant de passer en douceur à travailler avec les militants au pouvoir.

Les responsables russes ont jusqu’à présent parlé positivement des talibans, les félicitant pour le maintien de l’ordre dans la capitale. Bien que la Russie ait déclaré qu’elle ne se précipiterait pas pour reconnaître le groupe en tant que gouvernement afghan, elle a indiqué qu’elle était prête à s’engager avec eux.

« « Le mouvement taliban contrôle actuellement la quasi-totalité du territoire du pays, y compris sa capitale. Ce sont des réalités », a déclaré vendredi le président russe Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse avec la dirigeante allemande Angela Merkel. « Et nous devons agir sur la base de ces réalités mêmes, en ne permettant pas l’éclatement de l’État afghan. »

Les responsables russes ont fustigé le gouvernement déchu d’Ashraf Ghani, soutenu par les États-Unis, et cette semaine, le principal émissaire russe chargé de superviser sa politique en Afghanistan, le diplomate chevronné Zamir Kabulov, a comparé les talibans favorablement à l’ancien gouvernement.

« Si vous comparez la capacité de conclure des accords avec des collègues et des partenaires, alors les talibans m’ont longtemps semblé bien plus capables que le gouvernement fantoche de Kaboul », a déclaré Kaboulov à la télévision d’Etat russe.

La Russie a noué des contacts solides avec les talibans au cours des dernières années alors qu’un retrait américain semblait de plus en plus probable. Il a accueilli plusieurs séries de pourparlers inter-afghans à Moscou qui ont inclus les talibans. En juillet, une délégation talibane de haut niveau a rencontré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, même si la Russie désigne toujours officiellement le groupe comme une organisation terroriste, tout comme les États-Unis.

Trois décennies après l’intervention désastreuse de l’Union soviétique en Afghanistan, la principale préoccupation de la Russie est que l’instabilité en Afghanistan ne se propage pas à ses voisins d’Asie centrale, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.

La priorité du gouvernement russe, selon les analystes, est de s’assurer avec les talibans que Moscou se contente de s’engager avec eux en tant que dirigeants à condition qu’ils donnent des garanties de sécurité pour l’Asie centrale et s’engagent à empêcher les attaques terroristes depuis son territoire.

« Il est absolument clair que la Russie essaiera d’avoir des relations de travail aussi étroites que possible avec les talibans », a déclaré Fiodor Lukyanov, expert en politique étrangère et président du Conseil de la politique étrangère et de défense qui conseille parfois indépendamment le gouvernement russe.

« En ce qui concerne la situation intérieure en Afghanistan, la Russie n’y a heureusement aucun intérêt. Il n’y a pas d’enjeux à l’intérieur de l’Afghanistan cette fois et la Russie peut se détendre et limiter ses réactions aux intérêts sécuritaires de la région », a-t-il déclaré par téléphone.