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En Colombie, un village cultive la mémoire de ses ancêtres africains



À 10 000 kilomètres des côtes africaines, en Colombie, San Basilio de Palenque se présente comme « l’Afrique de l’Amérique latine ». Ses habitants sont les héritiers d’Africains réduits à l’esclavage qui ont fait de ce village le premier territoire libre d’Amérique.

Climat tropical, sol sablonneux, maisons au toit de chaume et une population 100 % noire… En pénétrant dans le village de San Basilio de Palenque, c’est en Afrique que l’on est téléporté. Nous sommes en Colombie, pourtant, à 70 km au sud de Carthagène des Indes. Après deux heures de bus sur la seule route d’asphalte qui relie le village à la ville légendaire, c’est en moto-taxi qu’il faut terminer le trajet.

« Bienvenidos a Palenque, lance Jesus Palomino. Ici il n’y a pas grand-chose à voir, mais beaucoup à raconter ». Cet anthropologue ne vit plus au village mais continue de participer à la vie communautaire et revient dès qu’il le peut. « Palenque », comme le surnomment ses habitants, compte 3500 personnes et sa diaspora représenterait près de 40 000 âmes.

Avant d’être Colombiens, les Palenqueros se revendiquent Africains. L’Afrique, leur continent perdu, à la fois étranger et familier, reste vivant dans leur quotidien et leur imaginaire. De leurs ancêtres, ces Afro-Colombiens ont préservé la spiritualité, la médecine traditionnelle, la musique aussi, et bien sûr l’histoire.

Place stratégique du trafic négrier

La Carte Des Routes De L'Esclavage.

Située dans le nord de l’Amérique du Sud et bordée par la mer des Caraïbes, la ville de Carthagène des Indes, fondée en 1533, s’est rapidement convertie en une place stratégique du trafic négrier colonial, d’abord portugais puis espagnol.

« Étant donné sa position géographique, elle s’est spécialisée dans la réception et la distribution d’esclaves sur le continent, explique l’historien Javier Ortiz Cassiani. La ville entière était rythmée par l’arrivée de nouvelles cargaisons chargées d’Africains. Commerçants, notaires, médecins, contremaîtres… Les professions des Carthaginois se sont structurées autour de la traite négrière, et l’ont dans le même temps développée. »

LES HAUTES MURAILLES DE CARTHAGÈNE DES INDES ONT ÉTÉ CONSTRUITES PAR LES AFRICAINS.

Une fois débarqués des cales des bateaux, les Africains étaient examinés afin de déterminer leur prix, puis vendus sur la place de l’Esclave. Un nombre important d’entre eux étaient envoyés vers d’autres régions pour travailler dans les mines et l’agriculture.

Les autres étaient destinés au service domestique ou aux travaux d’œuvres publiques. Symbole de cette ville classée au patrimoine mondial de l’humanité, les hautes murailles de 12 km qui l’entourent ont par exemple été construites par les Africains. Les guides touristiques racontent même que les pierres ont été collées avec le sang des esclaves, utilisé comme ciment. Glaçant.

Armée de fugitifs

Capturé sur le territoire de Guinée-Bissau à la fin du XVIe siècle, Benkos Biohó deviendra le héros des Afro-descendants en Colombie. Il est vendu en 1596 à Carthagène et travaille comme rameur sur le fleuve Magdalena. Trois ans plus tard, il parvient à s’enfuir avec d’autres personnes vivant sous le même toit. Ils s’installent dans les monts de Maria, au sud de la ville, et organisent une armée de fugitifs.

Originaires de Guinée-Bissau, du Congo, du Sénégal et du Nigeria, le groupe voit progressivement ses membres croître au fil du marronnage. Les femmes usent des tresses pour créer de véritables cartes indiquant aux esclaves la route pour rejoindre le refuge. Issus de différents groupes ethniques, les palenqueros créent leur propre langage, mélange d’espagnol, de portugais et de langues bantoues, qu’ils sont les seuls à comprendre.

Pendant cinq ans, les rebelles ne cessent de mener des attaques contre les Espagnols, qui ne parviennent pas à les éliminer. Si bien que dans une lettre adressée au roi d’Espagne en 1603, le gouverneur de Carthagène déclare : « Considérant les difficultés que l’on avait à éliminer les nègres de là alors qu’ils étaient si peu, et les efforts que ça nous coûtait comme s’ils étaient des milliers, je me suis résolu à leur concéder la paix pour an. »

L’année suivante, un accord de paix entre le gouverneur et les fugitifs est signé, leur cédant officiellement le droit de s’établir en tant que peuple libre sur l’actuel territoire de San Basilio de Palenque. C’est ainsi que deux cents ans avant l’indépendance de la Colombie (en 1810), un refuge d’esclaves marrons devient le premier territoire libre de l’Amérique latine.

Le groupe acquiert également de nouveaux droits, comme la libre circulation, le droit du port d’armes et le respect de ses autorités. Une humiliation indigeste pour la Couronne, qui ordonnera l’assassinat de Benkos Biohó. Le leader marron sera pendu et écartelé sur une place publique de Carthagène le 16 mars 1621.

Mais puisque l’on peut tuer un homme mais pas ses idées, les rebelles ont poursuivi la lutte jusqu’à obtenir un accord d’entente cordiale qui acte définitivement l’indépendance du territoire en 1705.

Autonomie politique et identité culturelle

Trois siècles plus tard, le village ne semble pas avoir beaucoup changé. Le temps lui-même paraît suspendu à Palenque. L’absence criante de l’État et l’isolement du village n’y sont pas étrangers. Les habitants n’ont toujours pas de système de recyclage et de traitement des eaux usées, ils boivent l’eau potentiellement contaminée d’un vieux puit. L’électricité, ils ne l’ont obtenue qu’en 1971, grâce à l’intervention du champion du monde de boxe Antonio Cervantes, alias Kid Pambélé.

Des nombreux Palenque ayant existé pendant la période coloniale, le village est le seul à avoir survécu. Mieux, son identité culturelle a été gardée intacte. Ce qui a valu à San Basilio de Palenque d’être classé au patrimoine immatériel mondial de l’Unesco en 2008.

Outre la perpétuation des pratiques ancestrales, les palenqueros ont conservé une certaine autonomie politique. La police n’a ainsi pas le droit d’entrer sur le territoire. Les habitants ont créé leur propre système de surveillance communautaire. Son nom ? La garde cimarron. « Nous ne voulons pas d’une relation avec les forces gouvernementales, les groupes illégaux ou la police. Ici, nous appliquons la loi de Palenque, pas la loi nationale », explique Jesus Palomino.

SOUVENT MÉPRISÉE PAR LE RÉCIT OFFICIEL, L’HISTOIRE DES RÉSISTANCES NOIRES SE TRANSMET DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION.

L’organisation sociale se base sur des réseaux familiaux et des communautés d’âge appelées kuagro, liant les membres par un système de droits et de devoirs. Tous participent d’une manière ou d’une autre à la vie communautaire.

L’anthropologue craint toutefois de voir son village progressivement disparaître. « Il n’y a pas d’écoles pour faire des études, pas d’emploi, les jeunes n’imaginent plus leur avenir ici. Nous n’avons pas non plus d’hôpital, ce sont ceux qui détiennent le savoir des plantes qui assurent les soins de la communauté. Que deviendrons-nous quand le dernier s’éteindra ? »

Sur la place du village, la statue de Benkos Biohó tend une main vers le ciel. Son autre main porte les chaînes brisées de l’esclavage. Hypnotisante, l’expression de son visage laisse transparaître la douleur et la rage. Si l’histoire des résistances noires est souvent méprisée par le récit officiel, à Palenque, elle se transmet oralement de génération en génération.

D’ailleurs, « ici on ne parle pas d’esclaves, mais “d’esclavagisés” », nous dit-on. Ici, les enfants sont bercés par les contes teintés de magie de « la première révolution », comme l’appellent les anciens. Une révolution noire, indélébile. Car si les vainqueurs ont écrit l’histoire, privant de voix les Africains, « nous avons notre mémoire collective comme témoin, et ça, personne ne peut nous le dérober », assure Jesus Palomino.


Sur la trace des esclaves de Carthagène

Des Touristes S'Arrêtant Devant Un Panneau D'Information Du Circuit De L'Héritage Africain À Carthagène

Porté par l’Unesco dans plusieurs villes latino-américaines, le projet de la Route de l’esclave s’est invité dans « la perle des caraïbes ». Rappelant les enjeux de la mémoire de l’esclavage et l’apport des Africains à l’histoire et la culture colombiennes, l’initiative s’est accompagnée d’une formation pour 25 guides touristiques, avec l’objectif de proposer un autre récit autour de Carthagène. Le circuit de cet itinéraire mémoriel comprend dix-huit sites en tout. Trois sont particulièrement remarquables.

1. La baie et le port

Depuis l’arrivée de Pedro de Heredia, le « fondateur de la ville », et durant toute la période coloniale, les milliers de bateaux chargés d’Africains “esclavagisés” sont arrivés par la baie de Carthagène. Ceux-ci étaient ensuite commercialisés et distribués comme main-d’œuvre à l’intérieur des terres, ou acheminés vers d’autres pays.

2. La bouche du pont

Les esclaves franchissaient cette porte, point d’entrée dans la ville, pour rejoindre la place des Voitures, où ils étaient vendus. On peut lire sur les murs de la porte : « Depuis le moment où les premiers Noirs esclavagisés ont été contraints de passer cette porte, ils ont forgé une autre mémoire. Une mémoire de rébellion, résistance et négociation pour se réinventer comme sujets en ces nouveaux territoires. Ils ont fondé des identités au milieu de la douleur et des voix propres pour rendre silencieux le bruit de leurs chaînes. »

3. La « Plaza de Los Coches »

Place emblématique de la ville au style architecturale colonial, la Plaza de Los Coches est aujourd’hui le point de départ des calèches touristiques qui sillonnent le centre historique. Autrefois baptisée « la place de l’Esclave », elle abritait un marché d’achat et de vente des Africains réduits à l’esclavage.

Crédit: Jeune Afrique

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