Présentée comme une solution miracle au paludisme en Afrique, l’artemisia alarme la communauté scientifique, sceptique sur son efficacité.
Présentée par ses adeptes comme une solution miracle au paludisme en Afrique, l’utilisation de l’artemisia, plante cultivée notamment en Côte d’Ivoire, alarme la communauté scientifique, sceptique sur son efficacité et inquiète de ses effets secondaires.
L’artemisa, plante aux airs de fougère issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise, connait un succès grandissant sur le continent malgré la polémique qui l’entoure.
En cinq ans à peine, plusieurs Maisons de l’artemisia se sont créées dans 18 pays d’Afrique dont la Côte d’Ivoire qui compte cinq lieux. L’association, qui promeut l’utilisation de la plante, affirme sur son site internet que « l’artemisia annua ou afra soigne et prévient le paludisme », prise en tisane selon le régime de « 5g infusés 15 minutes dans un litre d’eau bouillante à boire sur la journée pendant sept jours ».
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L’enjeu est de taille en Afrique: le continent, très pauvre, concentre 91% des 445.000 décès annuels dus à la maladie et 90% des 219 millions de cas dans le monde. La phytothérapie peu onéreuse y serait un avantage par rapport aux médicaments souvent plus chers, rares ou faux.
Mais, prévient l’Académie nationale de médecine de France, cette thérapie à base de plante est « inefficace et irresponsable »: l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l’utilisation de moustiquaires, la consultation médicale pour un diagnostic rapide et le traitement par Thérapie combinée à base d’artémisinine (CTA).
Sous un soleil de plomb à Adzopé (100 km au nord d’Abidjan), une dizaine d’hommes apprennent à cultiver la plante sur le domaine de La Maison de l’artemisia.
L’ambiance est studieuse, chacun s’exerce à la découpe des plants: « 40 cm à partir du sommet de la plante pour utiliser les feuilles en tisane », rappelle le formateur Noël Coulibaly. Pour le député ivoirien N’guetta Kamanan, ingénieur agronome de formation, il s?agit d’un traitement gratuit et adapté au savoir-faire agricole du continent.
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« Depuis que nous avons commencé à consommer de l’artemisia, notre facture pharmaceutique à baissé de 50% ! » se félicite le père Bakary, agronome représentant de la Maison de l’Artemisia d’Adzopé.
« On la met à disposition des membres de nos familles et on voit bien qu’ils sont traités du palu (….) on n’a pas besoin qu’on vienne nous dire que ça ne marche pas. On voit bien que ça marche! », s’exclame-t-il.
Face à ça, l’Académie nationale de médecine en France met en garde.
Si la molécule d’artémisinine contenue dans une des variétés d’artemisia est effectivement utilisée dans la plupart des médicaments anti-paludéens, « c’est son association avec d’autres molécules qui est nécessaire pour soigner efficacement la maladie en retardant l’apparition de résistances », rappelle le professeur Sandrine Houzé, parasitologue à l’hôpital Bichat à Paris.
Toutes les espèces d’artemisia ne contiennent pas d’artémisinine, souligne-t-elle encore.
Et, contrairement aux comprimés qui garantissent une posologie constante, la concentration en artémisinine contenue dans la plante varie en fonction de son mode de culture.
« Tout l’enjeu est de savoir, non pas si l’artemisia soigne, mais si le fait de la consommer en tisane est suffisamment efficace et garantit une posologie standardisée », explique le docteur Michel Cot, directeur de l’Institut pour la recherche et le développement, un établissement public français.
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La consommation de litres de tisane d’artemisia, de composition incertaine, pendant sept jours, sans autre traitement, par de jeunes enfants impaludés les « expose (…) à un risque élevé d’accès pernicieux » (neuro paludisme), une complication grave du paludisme qui se traduit par une atteinte du système nerveux pouvant mener au décès, poursuit l’Académie de médecine.
De plus, cette monothérapie en « utilisation continue » favorise l’émergence de souches de parasites résistantes, selon l’OMS.
Le conditionnement des récoltes d’artemisia en Afrique (sous forme broyée en sachets ou en gélules au Sénégal) est aussi dans le viseur de l’OMS.
« Nous leur répondons que La Maison de l’artemisia préconise l’absorption sous forme de tisane qui nécessite de faire bouillir l’eau à un degré élevé, ce qui stérilise la préparation », explique le père Bakary.
Cet argument est rejeté par les scientifiques au motif que la température élevée dégrade le principe actif contenu dans la plante. Sans compter la crainte de voir émerger des sachets de tisane contenant de la fausse artemisia.